mardi 19 juillet 2011

Les positions pseudo-guénoniennes de LLP 5 - Droit de réponse

Suite de:

Après maintes péripéties, tentatives grossières de discrédit et envois de sbires, LLP a finalement cru bon de s'exprimer personnellement, dans un message plein de pertinence et de modestie, sur ces articles qui montrent de multiples manières qu'il récupère l'œuvre de Guénon en la déformant grossièrement :

LLP:
Franchement vous êtes fous de perdre autant de temps si précieux avec ce zozo qui fait mine de pas comprendre mes arguments pour créer de la confusion.

Désolé tagada de ne pas trop te donner de mon temps car on prépare déjà la rentrée avec diverses conférences exceptionnelles ainsi qu'un article dans un livre à sortir en septembre plus mon propre livre et mon métier qui me prend déjà plus de 50 h par semaine... et j'en passe.

Les livres de Guénon sont dispo sur internet gratuitement en PDF, vous êtes assez grands pour les lire et en tirer les conclusions qui s'imposent...
J'ai présenté au départ les livres de Guénon et bien d'autres en "LISANT" seulement le texte sans commentaires. Je tiens juste à préciser que j'ai (sans doute) toute la biblio de Guénon et peut-être la totalité des livres qui en parlent.

Ne tombez pas dans le panneau grossier de ce zozo qui se fait de la pub en passant par notre forum.

Lisez les livres et faites-en vos déductions et synthèses.

Source:

Outre que la seule chose qui semble l'intéresser soit de faire ses conférences et de vendre des bouquins, et non de tenir une position "guénonienne" comme il l'affirme pourtant ailleurs, LLP est d'après ses propres dires un fin connaisseur de Guénon. Il a tous ses livres et toutes ses biographies. Ce n'est donc pas très hardi de penser qu'il connaît déjà une bonne partie des extraits cités dans les articles qui précèdent. Ce n'est donc malheureusement pas de la bêtise, comme il était supposé plus haut, mais c'est bien une déformation assumée à laquelle il s'applique. René Guénon lui sert juste de caution pour donner du poids à ses thèses délirantes, et ainsi augmenter son audimat, constitué de gens qui ne le connaissent que de nom, ou peut-être qui ont survolé vaguement la Crise du Monde moderne.

C'est assurément un bon conseil de renvoyer aux livres de Guénon. Si seulement il était suivi par ses partisans, ils se rendraient évidemment compte, eux-mêmes, de la supercherie. Dommage qu'on soit à l'ère de l'image, et que la télévision et dailymotion aient généralement la préférence sur les livres.

Cependant, ce n'est certainement pas pour tenter de convaincre la majorité que ces lignes sont écrites, ce qui serait de plus complètement vain, ni dans un but marchand, n'ayant rien à vendre, contrairement à d'autres qui ont d'ailleurs de curieux réflexes en parlant de pub. L'évocation d'une concurrence marchande est vraiment burlesque dans le cas présent. L'objectif de ces articles est juste de permettre à ceux qui cherchent la vérité en toute bonne foi de leur en fournir quelques éléments, en toute humilité. Personne ne possède la vérité, elle apparaît parfois brouillée ou complexe, mais elle finit toujours par triompher. Il peut y avoir toutes les tentatives pour l'étouffer, c'est elle qui s'imposera victorieuse, parce qu'on ne peut pas lutter contre le temps, qui la découvre irrémédiablement, en même temps qu'il finit toujours par exposer, face à elle, la laideur des hypocrites au grand jour.

Comme l'écrivait René Guénon en clôture de La Crise du Monde moderne:

Vincit Omnia Veritas






Récapitulons ce qui précède. Passons sur les personnages de Laurent James et de LLP, et sur leurs rapports respectifs, qui mobilisent leurs partisans sur des pseudo-débats émotionnels stériles, au mieux.

Ils n'ont pas à un seul moment fait l'objet d'attaques personnelles, mais seules leurs déclarations publiques ont été examinées. Ces déclarations sont représentatives des milieux dans lesquels ils évoluent.

A la lecture de ces articles:

https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/05/la-pseudo-tradition-de-laurent-james.html
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/06/la-pseudo-tradition-de-laurent-james-2.html
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/06/la-pseudo-tradition-de-laurent-james-3.html
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/06/la-pseudo-tradition-de-laurent-james-4.html
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/06/mise-au-point-sur-la-contre-tradition-1.html
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/06/mise-au-point-sur-la-contre-tradition-2.html
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/07/les-positions-pseudo-guenoniennes-de.html
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/07/les-positions-pseudo-guenoniennes-de_12.html
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/07/les-positions-pseudo-guenoniennes-de_14.html
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/07/les-positions-pseudo-guenoniennes-de_5525.html

La question qu'on est en droit de se poser est:

Comment le groupe des néo-spiritualistes travaillant à la mise en place d'une parodie eurasiatique du saint empire (théorisée, ou animée, par Abellio, Parvulesco, Douguine, de Benoist, Laurent James, etc.), et le groupe des conspirationnistes (dont LLP est une figure représentative), peuvent-ils continuer à se revendiquer de René Guénon ?

Ceci n'est pas soutenable une seule seconde. Ils ont le droit d'avoir les opinions qu'ils veulent, mais ces opinions ne sont pas compatibles de près ou de loin avec l’œuvre de René Guénon. Après, ils peuvent continuer à s'en revendiquer, mais ça les couvrira juste de ridicule.


jeudi 14 juillet 2011

Les positions pseudo-guénoniennes de LLP 4 - Délires sur les symboles

Suite de:
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/07/les-positions-pseudo-guenoniennes-de_14.html


Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps est cité explicitement par LLP dans sa conférence, au cours de laquelle sa couverture est même projetée à l'écran.



Cet ouvrage va être abondamment utilisé par la suite, et l'on pourra constater que si d'autres ouvrages contiennent aussi des compléments utiles, celui-ci suffit à balayer la plupart des déclarations, hautement fantaisistes, de LLP.


sommaire

1) Traditionalisme et "adamisme"
2) Le billet de 1 dollar
3) Le swastika
4) L'étoile à cinq branches
5) Le compas et l'équerre
6) Le Grand Architecte de l’Univers
Conclusion



1) Traditionalisme et "adamisme"

René Guénon :
Ceux dont nous venons de parler sont ceux que l’on peut qualifier proprement de « traditionalistes », c’est-à-dire ceux qui ont seulement une sorte de tendance ou d’aspiration vers la tradition, sans aucune connaissance réelle de celle-ci ; on peut mesurer par là toute la distance qui sépare l’esprit « traditionaliste » du véritable esprit traditionnel, qui implique au contraire essentiellement une telle connaissance, et qui ne fait en quelque sorte qu’un avec cette connaissance même. En somme, le « traditionaliste » n’est et ne peut être qu’un simple « chercheur », et c’est bien pourquoi il est toujours en danger de s’égarer, n’étant pas en possession des principes qui seuls lui donneraient une direction infaillible ; et ce danger sera naturellement d’autant plus grand qu’il trouvera sur son chemin, comme autant d’embûches, toutes ces fausses idées suscitées par le pouvoir d’illusion qui a un intérêt capital à l’empêcher de parvenir au véritable terme de sa recherche. Il est évident, en effet, que ce pouvoir ne peut se maintenir et continuer à exercer son action qu’à la condition que toute restauration de l’idée traditionnelle soit rendue impossible, et cela plus que jamais au moment où il s’apprête à aller plus loin dans le sens de la subversion, ce qui constitue, comme nous l’avons expliqué,  la seconde phase de cette action. Il est donc tout aussi important pour lui de faire dévier les recherches tendant vers la connaissance traditionnelle que, d’autre part, celles qui, portant sur les origines et les causes réelles de la déviation moderne,  seraient susceptibles de dévoiler quelque chose de sa propre nature et de ses moyens d’influence ; il y a là, pour lui, deux nécessités en quelque sorte complémentaires l’une de l’autre, et qu’on pourrait même regarder, au fond, comme les deux aspects  positif et négatif d’une même exigence fondamentale de sa domination. 

Tous les emplois abusifs du mot « tradition » peuvent, à un degré ou à un autre, servir à cette fin, à commencer par le plus vulgaire de tous, celui qui le fait synonyme de « coutume » ou d’« usage », amenant par là une confusion de la tradition avec les choses les plus bassement humaines et  les plus complètement dépourvues de tout sens profond.  

[...] lorsque certains, s’étant aperçus du désordre moderne en constatant le degré trop visible où il en est actuellement (surtout depuis que  le point correspondant au maximum de « solidification » a été dépassé), veulent « réagir » d’une façon ou d’une autre, le meilleur moyen de rendre inefficace ce besoin de « réaction » n’est-il pas de l’orienter vers quelqu’un des stades antérieurs et moins « avancés » de la même déviation, où ce désordre n’était pas encore devenu aussi apparent et se présentait, si l’on peut dire, sous des dehors plus acceptables pour qui  n’a pas été complètement aveuglé par certaines suggestions ? Tout « traditionaliste » d’intention doit normalement s’affirmer « antimoderne », mais il peut n’en être pas moins affecté lui-même, sans s’en douter, par les idées modernes sous quelque forme plus ou moins atténuée, et par là même plus difficilement discernable, mais correspondant pourtant toujours en fait à l’une ou à l’autre des étapes que ces  idées ont parcourues au cours de leur développement ; aucune concession, même involontaire ou inconsciente, n’est possible ici, car, de leur point de départ à leur aboutissement actuel, et même encore au delà de celui-ci, tout se tient et s’enchaîne inexorablement.
Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, chapitre XXXI, Tradition et traditionalisme

Lorsqu'on a lu ce passage au moins une fois, comment peut-on affirmer que Guénon est traditionaliste ???

LLP :
Guénon est au dessus des manifestations de la religion exotérique. Il est Traditionaliste donc Adamien. Adam notre père à tous n’a pas eu le Coran comme guide religieux puisqu’il n’avait pas besoin de cela, il avait Dieu en certitude dans le cœur : c’est le principe même de la dégénérescence...

D'autre part, cette religion adamienne est assez originale. Adam en tant qu'homme correspond cycliquement à la tradition atlantéenne, et non à la tradition primordiale.

René Guénon :
Ceci pourrait trouver une confirmation dans le fait que la signification littérale du nom d’Adam est « rouge », la tradition atlantéenne ayant été précisément celle de la race rouge ; et il semble aussi que le déluge biblique corresponde directement au cataclysme où disparut l’Atlantide, et que, par conséquent, il ne doive pas être identifié au déluge de Satyavrata qui, suivant la tradition hindoue, issue directement de la Tradition primordiale, précéda immédiatement le début de notre Manvantara.
Formes Traditionnelles et Cycle Cosmiques, Place de la tradition atlantéenne dans le Manvantara

Ici, Guénon est confondu avec Paul le Cour, ce dont il s'est explicitement défendu:
Dans Atlantis (juin 1929), M. Paul Le Cour relève la note de notre article de mai dernier, dans laquelle nous affirmions la distinction de l’Hyperborée et de l’Atlantide, contre ceux qui veulent les confondre et qui parlent d’ « Atlantide hyperboréenne ». A vrai dire, bien que cette expression semble en effet appartenir en propre à M. Le Cour, nous ne pensions pas uniquement à lui en écrivant cette note, car il n’est pas seul à commettre la confusion dont il s’agit ; on la trouve également chez M. Herman Wirth, auteur d’un important ouvrage sur les origines de l’humanité (Der Aufgang der Menschheit) paru récemment en Allemagne, et qui emploie constamment le terme « nord-atlantique » pour désigner la région qui fut le point de départ de la tradition primordiale. Par contre, M. Le Cour est bien le seul, à notre connaissance tout au moins, qui nous ait prêté à nous-même l’affirmation de l’existence d’une « Atlantide hyperboréenne » ;
ibid., comptes rendus d'articles de revues

A la limite, si on ne parlait pas de Adam homme, ça pourrait avoir plus de sens, mais Guénon n'a pour autant jamais déclaré faire acte de foi d' "adamisme", d'autant que c'est une désignation restreinte à l'humanité seule, même prise dans un sens large, ce que dépasse largement le point de vue métaphysique.

On voit aussi le rapport que ce dernier point présente avec la question de ce qu’on a appelé les « préadamites » : si l’on prend Adam comme étant l’origine de la race rouge et de sa tradition particulière, il peut s’agir simplement des autres races qui ont précédé celle-là dans le cours du cycle humain actuel ; si on le prend, dans un sens plus étendu, comme le prototype de toute la présente humanité, il s’agira de ces humanités antérieures auxquelles font précisément allusion les « sept rois d’Edom ». Dans tous les cas, les discussions auxquelles cette question a donné lieu apparaissent comme assez vaines, car il ne devrait y avoir là aucune difficulté ; en fait, il n’y en a pas, tout au moins, pour la tradition islamique, dans laquelle il existe un hadîth (parole du Prophète) disant que, « avant l’Adam que nous connaissons, Dieu créa cent mille Adam » (c’est-à-dire un nombre indéterminé), ce qui est une affirmation aussi nette que possible de la multiplicité des périodes cycliques et des humanités correspondantes.
ibid., Quelques remarques sur le nom d'Adam




2) Le billet de 1 dollar

LLP :
Le billet de 1 dollar très riche en symbolisme maçonnique.




La grande pyramide peut bien être vue sous des considérations maçonniques, concernant les qualifications de ses constructeurs :

René Guénon :
Pendant que nous en sommes à ce sujet, nous signalerons encore une autre fantaisie moderne : nous avons constaté que certains attribuent une importance considérable au fait que la Grande Pyramide n’aurait jamais été achevée ; le sommet manque en effet, mais tout ce qu’on peut dire de sûr à cet égard, c’est que les plus anciens auteurs dont on ait le témoignage, et qui sont encore relativement encore récents, l’ont toujours vu tronquée comme elle l’est aujourd’hui. De là, à prétendre que ce sommet manquant correspond à la « pierre angulaire » dont il est parlé en divers passages de la Bible et de l’Evangile, il y a vraiment bien loin, d’autant plus que, d’après des données plus authentiquement traditionnelles, la pierre en question serait, non point un « pyramidion », mais bien une « clef de voûte » (Keystone), et, si elle fut « rejetée par les constructeurs », c’est que ceux-ci, n’étant initiés qu’à la Square Masonry, ignoraient les secrets de l’Arch Masonry.
Ibid., Le Tombeau d'Hermès


Mais cela mis à part, quel rapport peut-on bien trouver entre la Franc-Maçonnerie et le sceau du billet de 1 dollar ? Voyons ce qui est en réalité derrière ce sceau (la même chose est aussi évoqué dans le compte rendu du livre de G. Barbarin – Le Secret de la Grande Pyramide ou la Fin du Monde adamique, dans le Théosophisme):

On utilise aussi, par des interprétations appropriées, des prédictions dont l’origine est plutôt suspecte, mais d’ailleurs assez ancienne, et qui n’ont peut-être pas été faites pour servir dans les circonstances actuelles, bien que les puissances de subversion aient évidemment déjà largement exercé leur influence à cette époque (il s’agit surtout du temps auquel remontent les débuts mêmes de la déviation moderne, du XIVe au XVIe siècle), et  qu’il soit dès lors possible qu’elles aient eu en vue, en même temps que des buts plus particuliers  et plus immédiats, la préparation d’une action qui ne devait s’accomplir qu’à longue échéance (1). Cette préparation, à vrai dire, n’a d’ailleurs jamais cessé ; elle s’est poursuivie sous d’autres modalités, dont la suggestion des « voyants » modernes et l’organisation d’« apparitions » d’un caractère peu orthodoxe représentent un des aspects où se montre le plus nettement l’intervention directe des influences subtiles ; mais cet aspect n’est pas le seul, et, même lorsqu’il s’agit de prédictions apparemment « fabriquées » de toutes pièces, de semblables influences peuvent fort bien entrer également en jeu, d’abord en raison même de la source « contre-initiatique » d’où émane leur inspiration première, et aussi du fait de certains éléments  qui sont pris pour servir de « supports » à cette élaboration. 

En écrivant ces derniers mots, nous avons spécialement en vue un exemple tout à fait étonnant, tant en lui-même que par le succès qu’il a eu dans divers milieux, et qui, à ce titre, mérite ici un peu plus qu’une simple mention : nous voulons parler des soi-disant « prophéties de la Grande Pyramide », répandues en Angleterre, et de là dans le monde entier, pour des fins qui sont peut-être en partie politiques, mais qui vont certainement plus loin que la politique au sens ordinaire de ce mot et qui se lient d’ailleurs étroitement à un autre travail entrepris pour persuader  les Anglais qu’ils sont les descendants des « tribus perdues d’Israël » ; mais, là-dessus encore, nous ne pourrions insister sans entrer dans des développements qui seraient présentement hors de propos. Quoi qu’il en soit, voici en quelques mots ce dont il s’agit : en mesurant, d’une façon qui n’est d’ailleurs pas exempte d’arbitraire (d’autant plus que, en fait, on n’est pas exactement fixé sur les mesures dont se servaient réellement les anciens Égyptiens), les différentes  parties des couloirs et des chambres de la Grande Pyramide (2), on a voulu y découvrir des « prophéties » en faisant correspondre les nombres ainsi obtenus à des périodes et à des dates de l’histoire. Malheureusement, il y a là-dedans une absurdité qui est tellement manifeste qu’on peut se demander comment il se fait que personne ne semble s’en apercevoir, et c’est bien ce qui montre à quel point nos contemporains sont « suggestionnés » ; en effet, à supposer que les constructeurs de  la Pyramide y aient réellement inclus des « prophéties » quelconques, deux choses seraient somme toute plausibles : c’est, ou que ces « prophéties », qui devaient forcément être basées sur une certaine connaissance des lois cycliques, se rapportent à l’histoire générale du monde et de l’humanité, ou qu’elles aient été adaptées de façon à concerner plus spécialement l’Égypte ; mais, en fait, il arrive que ce n’est ni l’un ni l’autre, car tout ce qu’on veut y trouver est ramené exclusivement au point de vue du Judaïsme d’abord et du Christianisme ensuite, de sorte qu’il faudrait logiquement conclure de là que la Pyramide n’est point un monument égyptien, mais un monument « judéo-chrétien » ! Cela seul devrait suffire à faire justice de cette invraisemblable histoire ; encore convient-il d’ajouter que tout y est conçu suivant une soi-disant « chronologie » biblique tout à fait contestable, conforme au « littéralisme » le plus étroit et le plus protestant, sans doute parce qu’il fallait bien adapter ces choses à la mentalité spéciale du milieu où elles devaient être répandues principalement et en premier lieu. Il y aurait encore bien d’autres remarques curieuses à faire : ainsi, depuis le début de l’ère chrétienne, on n’aurait trouvé aucune date  intéressante à marquer avant celle des premiers chemins de fer ; il faudrait croire, d’après cela, que  ces antiques constructeurs avaient une perspective bien moderne dans leur appréciation de l’importance des événements ; c’est là l’élément grotesque qui ne manque jamais dans ces sortes de choses, et par lequel se trahit précisément leur véritable origine : le diable est assurément fort habile, mais pourtant il ne  peut jamais s’empêcher d’être ridicule par quelque côté (3) !
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1 - Ceux qui seraient curieux d’avoir des détails sur ce côté de la question pourraient consulter utilement, malgré les réserves qu’il y aurait à faire sur certains points, un livre  intitulé Autour de la Tiare, par Roger Duguet, ouvrage posthume de quelqu’un qui a été mêlé de près à certains des « dessous » auxquels nous avons fait allusion un peu plus haut, et qui, à la fin de sa vie, a voulu apporter son « témoignage », comme il le dit lui-même, et contribuer dans une certaine mesure à dévoiler ces « dessous » mystérieux ; les raisons « personnelles » qu’il a pu avoir d’agir ainsi n’importent pas, car, en tout cas, elles n’enlèvent évidemment rien à l’intérêt de ses « révélations ».

2 - Cette Grande Pyramide, à vrai dire, n’est pas tellement plus grande que les deux autres, et surtout que la plus voisine, que la différence en soit très frappante ; mais, sans qu’on sache trop pour quelles raisons, c’est sur elle que se sont en quelque sorte « hypnotisés » à peu près exclusivement tous les « chercheurs » modernes, et c’est à elle que se rapportent toujours toutes leurs hypothèses les plus fantaisistes, on pourrait même dire les plus fantastiques, y compris, pour en citer seulement deux des exemples les plus bizarres, celle qui veut trouver dans sa disposition intérieure une carte des sources du Nil, et celle suivant laquelle le « Livre des Morts » ne serait pas autre chose qu’une description explicative de cette même disposition.

3 - Nous ne  quitterons  pas la Grande Pyramide sans signaler encore  incidemment  une autre fantaisie  moderne : certains attribuent une importance considérable au fait qu’elle n’aurait jamais été achevée ; le sommet manque en effet, mais tout ce qu’on peut dire de sûr à cet égard, c’est que les plus anciens auteurs dont on ait le témoignage, et qui sont encore relativement récents, l’ont toujours vue tronquée comme elle l’est aujourd’hui ; de là à prétendre, comme l’a écrit textuellement un occultiste, que « le symbolisme caché des Écritures hébraïques et chrétiennes se rapporte directement aux faits qui eurent lieu au cours de la construction de la Grande Pyramide, il y a vraiment bien loin, et c’est encore là  une assertion  qui  nous  paraît manquer un  peu trop de  vraisemblance sous tous les rapports !—Chose assez curieuse, le sceau officiel des  États-Unis figure la Pyramide tronquée, au-dessus de laquelle est un triangle rayonnant qui, tout en en étant séparé, et même isolé par le cercle de nuages qui l’entoure, semble en quelque sorte en remplacer le sommet ; mais il y a encore dans ce sceau, dont certaines des organisations « pseudo-initiatiques » qui pullulent en Amérique cherchent à tirer un grand parti en l’expliquant conformément à leurs « doctrines », d’autres  détails qui sont au moins étranges, et  qui  semblent bien indiquer  une  intervention d’influences suspectes : ainsi, le nombre des assises de la Pyramide, qui y est de treize (ce même nombre revient d’ailleurs avec quelque insistance dans d’autres particularités, et il est notamment celui des lettres qui composent la devise E pluribus unum), est dit correspondre à celui des tribus d’Israël (en comptant séparément les deux demi-tribus des fils de Joseph), et cela n’est sans doute pas sans rapport avec les origines réelles des « prophéties de la Grande Pyramide », qui, comme nous venons  de le voir, tendent aussi a faire  de celle-ci, pour  des fins plutôt obscures une sorte de monument « judéo-chrétien ».
Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, chapitre XXXVII - La duperie des "prophéties"

Donc pas de Franc-Maçonnerie là-dedans, l'affirmation de LLP est complètement fantaisiste.





3) Le swastika


LLP :
Churchill avait pour mage le très sataniste et légendaire Aleister Crowley, initié Rose-Croix… praticien de magie sexuelle tantrique. Il sera conseiller personnel de Churchill, il lui proposera le signe ésotérique en forme de V, pour contrer la magie héqaienne du swastika inversé.

Hitler ira s’inspirer de la mystique hindoue, et inversera le swastika, initialement symbole bénéfique.

Déprimant, ou burlesque, en tout cas ça ne laisse pas indifférent.

Le swastika tel qu'il est illustré, dans le chapitre V - la double spirale, de La Grande Triade, de René Guénon:

 
Haaa non ! Un swastika méchant !

Ah non ouf, à côté il y a un swastika gentil qui l'empêche de nous transformer en nazis. Mais de toute façon s'il nous attaque, on peut encore lui faire le V de vipère, parce que les nazis ont peur des serpents, enfin un truc comme ça, c'est antitraditionnel mais néanmoins très spirituel, comme dit LLP :
On ne peut s’empêcher de dire que l’homme du XXe siècle est très spirituel, inversé et anti traditionnel mais néanmoins très spirituel.

On nage vraiment dans le n'importe quoi.

Quelques exemples de swastikas dans un sens ou dans l'autre :

Temple bouddhiste en Corée
 
Temple de New Dehli, Inde
 
Temple chinois

Temple bouddhiste à Taïwan

Mais qu'y a-t-il d'ailleurs à ce sujet dans le Règne de la Quantité ?

René Guénon :
Toute opposition n’existe comme telle qu’à un certain niveau, car il n’en peut être aucune qui soit irréductible ; à un niveau plus élevé, elle se résout en un complémentarisme, dans lequel ses deux termes se trouvent déjà conciliés et harmonisés, avant de rentrer finalement dans l’unité du principe commun dont ils procèdent l’un et l’autre. On pourrait donc dire que le point de vue du complémentarisme est, en un certain sens, intermédiaire entre celui de l’opposition et celui de l’unification ; et chacun de ces points de vue a sa raison d’être et sa valeur propre dans  l’ordre auquel il s’applique, bien que, évidemment, ils ne se situent pas au même degré de réalité ; ce qui importe est donc de savoir mettre chaque aspect à sa place  hiérarchique, et de ne pas prétendre le transporter dans un domaine où il n’aurait plus aucune signification acceptable.

Dans ces conditions, on peut comprendre que le fait d’envisager dans un symbole deux aspects contraires n’a, en lui-même,  rien que de parfaitement légitime, et que d’ailleurs la considération d’un de ces aspects n’exclut nullement celle de l’autre, puisque chacun d’eux est également vrai sous un certain rapport, et que même, du fait de leur corrélation, leur existence est  en quelque sorte solidaire. C’est donc une erreur, assez fréquente du reste, de penser que la considération respective de l’un et de l’autre de ces aspects doit être rapportée à des doctrines ou à des écoles se trouvant elles-mêmes en opposition (1) ;
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1 - Nous avons eu à relever notamment une erreur de ce genre au sujet de la figuration du swastika avec les branches dirigées de façon à indiquer deux sens de rotation opposés (Le Symbolisme de la Croix, ch. X).
Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, chapitre XXX - Le renversement des symboles


Si l’on rapporte le swastika à la rotation d’une sphère telle que la sphère céleste autour de son axe, il faut le supposer tracé dans le plan équatorial, et alors le point central sera, comme nous l’avons déjà expliqué, la projection de l’axe sur ce plan qui lui est perpendiculaire. Quant au sens de la rotation indiquée par la figure, l’importance n’en est que secondaire et n’affecte pas la signification générale du symbole ; en fait, on trouve l’une et l’autre des deux formes indiquant une rotation de droite  à gauche et de gauche à droite (1), et cela sans qu’il faille y voir toujours une intention d’établir entre elles une opposition quelconque.
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1 - Le mot  swastika  est, en sanscrit, le seul qui serve à désigner dans tous les cas le symbole en question ; le terme sauvastika, que certains ont voulu appliquer a l’une des deux formes pour la distinguer de l’autre (qui seule serait alors le véritable  swastika), n’est en réalité qu’un adjectif dérivé de swastika, et indiquant ce qui se rapporte à ce symbole ou à ses significations.
Le Symbolisme de la Croix, chapitre X – Le swastika




Dans le même chapitre l’utilisation du swastika par les nazis est même évoquée :
Nous laissons entièrement de côté, cela va sans dire, l’usage tout artificiel et même antitraditionnel du swastika par les « racistes » allemands qui, sous l’appellation fantaisiste et quelque peu ridicule de hakenkreuz ou « croix à crochets », en firent très arbitrairement un signe d’antisémitisme, sous prétexte que cet emblème aurait été propre à la soi-disant « race âryenne », alors que c’est au contraire, comme nous venons de le dire, un symbole réellement universel.





4) L'étoile à cinq branches

LLP :
Tous les drapeaux sont maçonniques, parce que l’étoile est maçonnique.

La Franc-Maçonnerie aurait donc inventé le triangle et l'étoile ?



En couverture du livre Les Nombres Sacrés, d'Arturo Reghini (qui fut un collaborateur régulier de René Guénon), le pentalpha, surchargé des initiales du mot grec "santé" (υγίεια).


René Guénon:
Ce triangle se retrouve dans le symbolisme maçonnique, et nous y avons fait allusion à propos de l’équerre du Vénérable ; le triangle complet apparaît lui-même dans les insignes du Past Master. Disons à cette occasion qu’une partie notable du symbolisme maçonnique est dérivée directement du Pythagorisme, par une « chaîne » ininterrompue, à travers les Collegia fabrorum romains et les corporations de constructeurs du moyen âge ; le triangle dont il s’agit ici en est un exemple, et nous en avons un autre dans l’Étoile flamboyante, identique au Pentalpha qui servait de « moyen de reconnaissance » aux Pythagoriciens (cf. Aperçus sur l’Initiation, ch. XVI).
La Grande Triade, chapitre XXI – Providence, Volonté, Destin





5) Le compas et l'équerre

LLP :
le compas et l’équerre sont démoniaques




René Guénon :
En même temps que ces formes géométriques, on rapporte aussi au Ciel et à la Terre les instruments qui servent à les tracer respectivement, c’est-à-dire le compas et l’équerre, dans le symbolisme de la tradition extrême-orientale aussi bien que dans celui des traditions initiatiques occidentales (1) ; et les correspondances de ces formes donnent naturellement lieu, en diverses circonstances, à de multiples applications symboliques et rituelles (2).
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1 - Dans certaines figurations symboliques, le compas et l’équerre sont placés respectivement dans les mains de Fo-hi et de sa sœur Niu-koua, de même que, dans les  figures alchimiques de Basile Valentin, ils sont placés dans les mains des deux moitiés masculine et féminine du Rebis ou Androgyne hermétique ; on voit par là que Fo-hi et Niu-koua sont en quelque sorte assimilés analogiquement, dans leurs rôles respectifs, au principe essentiel ou masculin et au principe substantiel ou féminin de la manifestation.

2 - C’est ainsi, par exemple, que les vêtements rituels des anciens souverains, en Chine, devaient être de forme ronde par  le haut  et carrée par  le bas ; le souverain représentait alors le type même de l’Homme (Jen) dans son  rôle cosmique, c’est-à-dire le troisième terme de la « Grande Triade », exerçant la fonction d’intermédiaire entre le Ciel et la Terre et unissant en lui les puissances de l’un et de l’autre.
Le Règne de la Quantité et les Signes des temps, chapitre XX - De la sphère au cube

Ce chapitre entier aurait d'ailleurs pu être reproduit entièrement ici, illustrant par de multiples considérations l'universalité du symbolisme associant le cercle et le carré.

La Grande Triade contient de nombreuses références à l'équerre et au compas:
C’est par un symbolisme similaire à celui de la tortue que, comme nous l’avons déjà indiqué incidemment ailleurs (1), le  vêtement des anciens princes, en Chine, devait avoir une forme ronde par le haut (c’est-à-dire au col) et carrée par le bas, ces formes étant celles qui représentent  respectivement le Ciel et la Terre ; et nous pouvons noter dès maintenant que ce symbole présente un rapport tout particulier avec celui, sur lequel nous  reviendrons un peu plus loin, qui place l’Homme entre l’équerre et le compas,  puisque ceux-ci sont les instruments qui servent respectivement à tracer le carré et le cercle. On voit en outre, dans cette disposition
du vêtement, que l’homme-type, représenté par le prince, pour unir effectivement le Ciel et la Terre, était figuré comme touchant le Ciel de sa tête, tandis que ses pieds reposaient sur la Terre ; c’est là une considération que nous retrouverons tout à l’heure d’une façon encore plus précise. Ajoutons que, si le vêtement du prince ou du souverain avait ainsi une signification symbolique, il en était de même de toutes les
actions de sa vie, qui étaient exactement réglées selon les rites, ce qui faisait de lui, comme nous venons de le  dire, la représentation de l’homme-type en toutes circonstances ;
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1 - Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. XX.
chapitre XIV - Le médiateur

Un chapitre entier leur y est même consacré, dont voici le début:
Un point qui donne lieu à un rapprochement particulièrement remarquable entre la tradition extrême-orientale et les traditions initiatiques occidentales, c’est celui qui concerne le symbolisme du compas et de l’équerre : ceux-ci, comme nous l’avons déjà indiqué, correspondent manifestement au cercle et au carré (1), c’est-à-dire aux figures géométriques qui représentent respectivement le Ciel et la Terre (2). Dans le symbolisme maçonnique, conformément  à cette correspondance, le compas est normalement placé en haut et l’équerre en bas (3) ; entre les deux est généralement figurée l’Étoile flamboyante, qui est un symbole de l’Homme (4) et plus précisément de l’« homme régénéré » (5), et qui complète ainsi la représentation de la Grande Triade. De plus, il est dit qu’« un Maître Maçon se retrouve toujours entre l’équerre et le compas », c’est-à-dire au « lieu » même où s’inscrit l’Étoile flamboyante, et qui est proprement l’« Invariable Milieu (6) » ; le Maître est donc assimilé par là à l’« homme véritable », placé entre la Terre et le Ciel et exerçant la fonction de « médiateur » ; et ceci est d’autant plus exact que, symboliquement et « virtuellement » tout au moins, sinon effectivement, la Maîtrise représente l’achèvement des « petits mystères », dont l’état de l’« homme véritable » est le terme même (7) ; on voit que nous avons là un symbolisme rigoureusement équivalent à celui que nous avons rencontré précédemment, sous plusieurs formes différentes, dans la tradition extrême-orientale.
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1 - Nous ferons remarquer que, en anglais, le même mot  square désigne à la fois l’équerre et le  carré ; en chinois également, le mot fang a les deux significations.

2 - La  façon dont le compas et l’équerre  sont disposés l’un par  rapport à l’autre, dans les trois degrés de la Craft Masonry, montre les influences célestes dominées d’abord par les influences terrestres, puis s’en  dégageant graduellement et finissant par les dominer à leur tour.

3 - Lorsque cette position est inversée, le  symbole prend une signification  particulière qui  doit être rapprochée  de l’inversion du symbole alchimique du Soufre pour représenter l’accomplissement du « Grand Œuvre », ainsi que du symbolisme de la 12e lame du Tarot.

4 - L’Étoile flamboyante est une étoile à cinq branches, et 5 est le nombre du « microcosme » ; cette assimilation est d’ailleurs expressément indiquée dans le cas où la figure même de l’homme est représentée dans l’étoile (la tête, les bras et les jambes s’identifiant à ses cinq branches), comme on le voit notamment dans le pentagramme d’Agrippa.

5 - Suivant un ancien rituel, « l’Étoile flamboyante est le symbole du Maçon (on pourrait dire plus généralement de l’Initié) resplendissant de lumière au milieu des ténèbres (du monde profane) ». — Il y a là une allusion évidente à ces paroles de l’Évangile de saint Jean (I, 5) : « Et Lux in tenebris lucet, et tenebræ eam non comprehenderunt. »

6 - Ce n’est donc pas sans raison que la Loge des Maîtres est appelée la « Chambre du Milieu ».

7 - En rapport avec la  formule maçonnique que nous venons de citer, on peut  remarquer que l’expression chinoise « sous le Ciel » (Tien-hia), que nous avons déjà mentionnée et qui désigne l’ensemble du Cosmos, est susceptible de prendre, au point de vue proprement initiatique, un sens particulier, correspondant au « Temple du Saint-Esprit, qui est  partout », et où se  réunissent les Rose-Croix,  qui sont aussi les « hommes véritables » (cf. Aperçus sur l’Initiation, ch. XXXVII et XXXVIII). — Nous  rappellerons aussi à  ce propos que « le Ciel couvre », et  que précisément les travaux maçonniques doivent s’effectuer « à couvert », la Loge étant d’ailleurs  une image du Cosmos (cf. Le Roi du Monde, ch. VII).
chapitre XV - Entre l’Équerre et le Compas

S'il y a là-dedans quelque chose de démoniaque, ce serait vraiment faire œuvre de salubrité publique que de le signaler. Sincèrement.





6) Le Grand Architecte de l’Univers

LLP:
Qui est au juste gadlu, ou le grand architecte de l’univers à votre avis ?

Le grand architecte est Satan.


René Guénon:
L’idée de la mesure entraîne  immédiatement celle de la « géométrie », car non seulement toute mesure est essentiellement « géométrique » comme nous l’avons déjà vu, mais on pourrait dire que la géométrie n’est pas autre chose que la science même de la mesure ; mais il va de soi qu’ici il s’agit d’une géométrie entendue avant tout au sens symbolique et initiatique, et dont la géométrie profane n’est plus qu’un simple vestige dégénéré, privé de la signification profonde qu’elle avait à l’origine et qui est entièrement perdue pour les mathématiciens modernes. C’est là-dessus que se basent essentiellement toutes les  conceptions assimilant l’activité divine, en tant que productrice et ordonnatrice des mondes, à la « géométrie », et aussi, par suite, à l’« architecture » qui est inséparable de celle-ci (1) ; et l’on sait que ces conceptions se sont conservées et transmises, d’un façon ininterrompue, depuis le Pythagorisme (qui d’ailleurs ne fut lui-même qu’une « adaptation » et non une véritable « origine ») jusqu’à ce qui subsiste encore des organisations initiatiques occidentales, si peu conscientes qu’elles soient actuellement dans ces dernières. C’est à quoi se rapporte notamment la parole de Platon : « Dieu géométrise toujours » (αει ο Θεος γεωµετρει : nous sommes obligé, pour traduire  exactement, d’avoir recours à un néologisme, en l’absence d’un verbe usuel en français pour désigner l’opération du géomètre), parole à laquelle répondait l’inscription qu’il avait fait placer, dit-on, sur la porte de son école : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre », ce qui impliquait que son enseignement, dans son aspect ésotérique tout au moins, ne pouvait être compris véritablement et effectivement que par une « imitation » de l’activité divine elle-même. On en trouve comme un dernier écho, dans la philosophie moderne (quant à la date du moins, mais, à vrai dire, en  réaction contre les idées spécifiquement modernes), avec Leibnitz disant que, « tandis que Dieu calcule et exerce sa cogitation (c’est-à- dire établit des plans), le monde se fait » (dum Deus calculat et cogitationem exercet, fit mundus) ; mais, pour les anciens, il y avait là un sens bien autrement précis, car, dans la tradition grecque, le « Dieu géomètre » était proprement l’Apollon hyperboréen, ce qui nous ramène encore au symbolisme « solaire », et en même temps à une dérivation assez directe de la tradition primordiale ; mais c’est là une autre question, que nous ne pourrions développer ici sans sortir entièrement de notre sujet, et nous devons nous contenter de donner, à mesure que l’occasion s’en présente, quelques aperçus de ces connaissances traditionnelles si complètement oubliées de nos contemporains (2).
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1 - En arabe, le mot hindesah, dont le sens premier est celui de « mesure », sert à désigner à la fois la géométrie et l’architecture, la seconde étant en somme une application de la première.
2 - A. Coomaraswamy nous a signalé un curieux dessin symbolique de William Blake,  représentant  l’« Ancien des Jours » apparaissant dans l’orbe solaire, d’où il étend vers l’extérieur un compas qu’il tient à la main, ce qui est comme une illustration de cette parole du Rig-Vêda (VIII, 25, 18) : « Avec son rayon, il a mesuré (ou déterminé) les bornes du Ciel et de la Terre » (et parmi les symboles de certains grades maçonniques se trouve un compas dont la tête est formée par un soleil rayonnant). Il s’agit manifestement ici d’une figuration de cet aspect du Principe que les initiations occidentales appellent le « Grand Architecte de l’Univers », qui devient aussi, dans certains cas, le « Grand Géomètre de l’Univers », et qui est identique au Vishwakarma  de la tradition hindoue, l’« Esprit de la Construction universelle » ; ses représentants terrestres, c’est-à-dire ceux qui « incarnent » en quelque sorte cet Esprit à l’égard des différentes formes traditionnelles, sont ce que nous avons désigné plus haut, pour cette raison même, comme les « Grands Architectes d’Orient et d’Occident ».
Le Règne de la Quantité et les Signes des temps, chapitre III - Mesure et manifestation

Mais quel est l'intérêt d'avoir cité ce livre ? C'était une blague, un pari ? A chaque ligne il contredit une affirmation de LLP !


Ce qui est embêtant, c'est que manifestement, selon LLP, les Hindous sont des satanistes :
Les constructions, d’une façon très générale, furent en bois avant d’être en pierre, et c’est ce qui explique que, dans l’Inde notamment, on ne retrouve aucune trace de celles qui remontent au-delà d’une certaine époque. De tels édifices étaient évidemment moins durables que ceux qui sont construits en pierre ; aussi l’emploi du bois correspond-il, chez les peuples sédentaires, à un état de moindre fixité que celui de la pierre, ou, si l’on veut, à un moindre degré de « solidification », ce qui est bien en accord avec le fait qu’il se rapporte à une étape antérieure dans le cours du processus cyclique (1).

Cette remarque, si simple qu’elle puisse paraître en elle-même, est fort loin d’être sans importance pour la compréhension de certaines particularités du symbolisme traditionnel : c’est ainsi que, dans les plus anciens textes de l’Inde, toutes les comparaisons se référant au symbolisme constructif sont  toujours empruntées au charpentier, à ses outils et à son travail ; et Vishwakarma, le « Grand Architecte » lui-même, est désigné aussi par le nom de  Twashtri, qui est littéralement le « Charpentier ».  Il va de soi que le rôle de l’architecte (Sthapati, qui d’ailleurs est primitivement le maître charpentier) n’est en rien modifié par là, puisque, sauf l’adaptation exigée par la nature des matériaux employés, c’est toujours du même « archétype »  ou du même  « modèle cosmique »  qu’il doit s’inspirer, et cela qu’il s’agisse de la construction d’un temple ou d’une maison, de celle d’un char ou d’un navire (et, dans ces derniers cas, le métier de charpentier n’a jamais rien perdu de son importance première, du moins jusqu’à l’emploi tout moderne des métaux qui représentent  le dernier degré de la  « solidification ») (2).
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1 - Voir les considérations que nous avons exposées à ce sujet dans Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, notamment  ch. XXI  et XXII. - Naturellement, le changement dont il s’agit ne  peut pas  être regardé comme s’étant produit simultanément chez tous les peuples, mais il y a toujours là des étapes correspondantes dans le cours de l’existence de ceux-ci.
2 - Il est bien entendu que des métiers tels que ceux du charron et du menuisier doivent être regardés comme
n’étant que des particularisations ou des « spécialisations » ultérieures de celui du charpentier, qui, dans son acception la plus générale, qui est en même temps la plus ancienne, comprend tout ce qui concerne le travail du bois.
Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le CompagnonnageMaçons et charpentiers

Si le « Grand Architecte » c'est Satan, le « Charpentier » c'est Lucifer ?

Dans les comptes rendus d'articles de revues du même ouvrage :
Dans le Symbolisme (numéro d’octobre), Albert Lantoine consacre un long article à la question du Grand Architecte de l’Univers et aux controverses auxquelles elle a donné et donne encore lieu ; certaines interprétations modernes sont assurément bien détournées et fantaisistes, comme il le dit, mais, d’un autre côté, peut-on se contenter de déclarer, sans plus de précision, que  « le Grand Architecte est le terme maçonnique de Dieu » ?  Il y a lieu de distinguer entre les aspects divins, et traditionnellement on l’a toujours fait :  tout nom spécial doit ici correspondre à une fonction ou à un attribut déterminé ; et, si un exotérisme simpliste peut à la rigueur se passer de ces distinctions, il ne saurait en être de même au point de vue initiatique ; seulement, pour comprendre vraiment les choses de cet ordre, il faut remonter à de lointaines origines et ne pas faire commencer le Maçonnerie au XVIIIe siècle…
Décembre 1937

Dans le numéro de mars, François Ménard et Marius Lepage  reviennent sur la question du Grand Architecte de l’Univers ;  s’il est légitime de dire que celui-ci  « n’est pas la Divinité, mais un aspect accessible de la Divinité », mettant l’accent sur  « l’aspect ordonnateur et constructif de l’Inconcevable Principe », ce n’est pourtant pas, nous semble-t-il, une raison pour l’assimiler à la conception gnostique du « Démiurge », ce qui lui donnerait un caractère plutôt  « maléfique », fort peu en accord avec la place qu’il occupe dans le symbolisme maçonnique, et aussi avec la conclusion même des auteurs, suivant laquelle,  en méditant sur la formule du Grand Architecte de l’Univers, « le Maçon qui « comprend bien son Art » saura et « sentira » que l’Ordre dépasse le simple  « déisme »  profane pour  atteindre à une compréhension plus approfondie du Suprême Principe ».
Avril-mai 1947




L'initiation serait-elle satanique ?
Au  fond, si tout processus d’initiation présente en ses différentes phases une correspondance, soit avec la vie humaine individuelle, soit même avec l’ensemble de la vie terrestre, c’est que le développement de la manifestation vitale elle-même,  particulière ou générale, « microcosmique »  ou  « macrocosmique », s’effectue suivant un plan analogue à celui que l’initié doit réaliser en lui-même, pour se réaliser lui-même dans la complète expansion de toutes les puissances de son être. Ce sont toujours et partout des plans correspondant à une même conception synthétique, de sorte qu’ils sont principiellement identiques, et, bien que tous différents et indéfiniment variés dans leur réalisation, ils procèdent d’un  « archétype » unique, plan universel tracé par la Volonté suprême qui est désignée symboliquement comme le « Grand Architecte de l’Univers ». 

Donc tout être tend, consciemment ou non, à réaliser en lui-même, par les moyens appropriés à sa nature particulière, ce que les formes initiatiques occidentales, s’appuyant sur le symbolisme  « constructif », appellent le  « plan du Grand Architecte de l’Univers » (1), et à concourir par là, selon la fonction qui lui appartient dans l’ensemble cosmique, à la réalisation totale de ce même plan, laquelle n’est en somme que l’universalisation de sa propre réalisation personnelle. C’est au point précis de son  développement où un être prend réellement conscience de cette finalité que commence pour lui l’initiation effective, qui doit le conduire par degrés, et selon sa voie personnelle, à cette réalisation intégrale  qui s’accomplit, non point dans le développement isolé de certaines facultés spéciales, mais dans le développement  complet, harmonique et hiérarchique, de toutes les possibilités impliquées dans l’essence de cet être.
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1 - Ce symbolisme est d’ailleurs loin d’être exclusivement propre aux seules formes occidentales ;  le Vishwakarma de la tradition hindoue, en particulier, est exactement la même chose que le  « Grand Architecte de l’Univers ».
Aperçus sur l'Initiation, chapitre XXXI - de l'enseignement initiatique


Dès lors que l’artisan humain imite ainsi dans son domaine particulier l’opération de l’Artisan divin, il participe à l’œuvre même de celui-ci dans une mesure correspondante, et d’une façon d’autant plus effective qu’il est plus conscient de cette opération ; et plus il réalise par son travail les virtualités de sa propre nature, plus il accroît en même temps sa ressemblance avec l’Artisan divin, et plus ses œuvres s’intègrent parfaitement dans l’harmonie du Cosmos. On voit combien cela est loin des banalités que nos contemporains ont l’habitude d’énoncer en croyant par là faire l’éloge du travail ; celui-ci, quand il est ce qu’il doit être traditionnellement, mais seulement dans ce cas, est en réalité bien au-dessus de tout ce qu’ils sont capables de concevoir. Aussi pouvons-nous conclure ces quelques indications, qu’il serait facile de développer presque indéfiniment, en disant ceci : la « glorification du travail » répond bien à une vérité, et même à une vérité d’ordre profond ; mais la façon dont les modernes l’entendent d’ordinaire n’est qu’une déformation caricaturale de la notion traditionnelle, allant jusqu’à l’invertir en quelque sorte. En effet, on ne « glorifie » pas le travail par de vains discours, ce qui n’a même aucun sens plausible ; mais le travail lui-même est « glorifié », c’est-à-dire « transformé », quand, au lieu de n’être qu’une simple activité profane, il constitue une collaboration consciente et effective à la réalisation du plan du « Grand Architecte de l’Univers ».
Initiation et Réalisation Spirituelle, chapitre X - Sur la glorification du travail


D’après la tradition islamique, tout être est naturellement et nécessairement muslim, c’est-à-dire soumis à la Volonté divine, à laquelle, en effet, rien ne peut se soustraire ; la différence entre les êtres consiste en ce que, tandis que les uns se conforment consciemment et volontairement à l’ordre universel, les autres l’ignorent ou même prétendent s’y opposer (voir Le Symbolisme de la Croix, p. 187). Pour comprendre entièrement le rapport de ceci avec ce que nous venons de dire, il faut remarquer que les véritables centres spirituels doivent être considérés comme représentant la Volonté divine en ce monde ; aussi ceux qui y sont rattachés de façon effective peuvent-ils être regardés comme collaborant consciemment à la réalisation de ce que l’initiation maçonnique désigne comme le « plan du Grand Architecte de l’Univers » ; quant aux deux autres catégories auxquelles nous venons de faire allusion, les ignorants purs et simples sont les profanes, parmi lesquels il faut, bien entendu, comprendre les « pseudo-initiés » de toute sorte, et ceux qui ont la prétention illusoire d’aller contre l’ordre préétabli relèvent, à un titre ou à un autre, de ce que nous avons appelé la « contre-initiation ».
Aperçus sur l’Initiation, chapitre X – Des centres initiatiques

Cf. Le commentaire de Guénon sur la Fatihah. Certaines personnes semblent bien s'être trompées de direction...




Ce serait toujours moins grave, et moins ridicule, de dire que Casimir est Satan.




Conclusion

Ce qui précède montre de multiples manières que René Guénon est juste une caution au traditionalisme folklorique de LLP, ce dernier lui est complètement opposé sur le fond, malgré qu'il scande son nom sans arrêt. La véritable position de LLP, c'est celle des propagandistes taxiliens, qui ont sévi dans la Revue Internationale des Sociétés Secrètes, puis aux Etudes Carmélitaines. Ce n'est pas exagéré de parler à ce sujet de satanisme, quelle que soit la part d'inconscience là-dedans. Espérons que c'est plus une insondable bêtise qu'une volonté assumée de discréditer une œuvre, qui fait déjà l'objet d'une conspiration du silence incroyable, qui n'est souvent suspendue que pour occuper un espace, et gâcher sciemment les possibilités de la faire connaître, en la présentant de la façon la plus défigurée possible.

Les positions pseudo-guénoniennes de LLP 3 - La Franc-Maçonnerie

Suite de:


Commençons l'évocation de ce sujet par une citation :

René Guénon:
Dans le Symbolisme (numéro d’octobre-novembre-décembre), Gaston Moyse proteste contre l’opinion vulgaire « qui s’obstine à voir entre la Franc-Maçonnerie et les Sociétés dites de « Libre-Pensée » une étroite parenté » ; il remarque avec raison que le « libre-penseur intégral », se proclamant l’ennemi de tous les rites, doit logiquement être par là même un adversaire de la Maçonnerie.
Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, comptes rendus d’articles de revues, mai 1940

C’est juste une boutade... (mais elle est bien bonne)




Sommaire 

1) Amalgames douteux
2) État présent de la Franc-Maçonnerie
3) Perspectives et enjeux
4) La loge P2
5) La révolution
6) L'Islam et la Franc-Maçonnerie





1) Amalgames douteux

Tout d'abord, il n'est pas anodin de remarquer de quelle façon est présentée la Maçonnerie dans la conférence de LLP : précédée par des histoires de sorcellerie, et suivie par l'évocation d'affaires de réseaux pédophiles, de sectes sataniques et de tueurs en série. Ça n'est pas très sérieux, on se demande en effet, par exemple, à quel moment est évoquée la Franc-Maçonnerie par les enfants du juge Roche :
 









Il est question d'une secte satanique qui pratique dans ses "rituels" le sexe de groupe, la torture et les sacrifices humains, et dont l'idéologie est de faire tomber les barrières morales de ses membres. Quel est le moindre rapport avec la Maçonnerie, honnêtement ? De même pour la "Main de la Mort", la secte satanique qui achetait des victimes à Henry Lee Lucas pour faire des sacrifices humains, on est complètement hors sujet.

En désignant des faux responsables, on protège les vrais coupables, et c'est très grave. Les satanistes en question, si tout ceci est véridique, doivent bien rire de ces pitreries !

René Guénon :
Qu’il y ait par le monde des  « satanistes »  et des  « lucifériens », et même beaucoup plus qu’on ne le croit généralement, cela est incontestable ;  mais ces choses n’ont rien à voir avec la Maçonnerie ; n’aurait-on pas, en imputant à celle-ci ce qui se trouve réellement ailleurs, eu précisément pour but de détourner l’attention et d’égarer les recherches ?
Ibid., comptes rendus de livres, janvier 1935, L. Fry – Léo Taxil et la Franc-Maçonnerie


En réalité, le seul rapport qu'on puisse trouver, c'est le copinage, qui a en effet bien lieu entre certains maçons, comme ailleurs. Mais quel rapport entre le symbolisme et les rites maçonniques, et les pratiques de réseaux, qui sont complètement profanes ? Le copinage est très répandu dans tous les milieux, y compris parmi certains animateurs anti-système, qui n'hésitent pas à sacrifier la vérité et leur honnêteté au prix de leurs petites solidarités de pseudo-résistants. C'est ce que fait LLP lorsqu'il protège coûte que coûte, sans aucune raison valable et en toute mauvaise foi, le grotesque Laurent James, alors que confondu, le dos au mur, ce dernier ne trouve rien de plus pertinent à faire que de se vautrer dans des menaces de représailles :
http://novusordoseclorum.discutforum.com/t6775p30-laurent-james-discussion

Mais quoi de plus normal que de se soutenir entre propagandistes délirants ?

LLP :
- Qu’en est-il de la fraternité ultime la franc-maçonnerie ? Son cas expliqué correctement ferait comprendre les mécanismes de gestion du monde, car elle détient sa clé de lecture ésotérique, voire occultiste. On a bien vu que toutes les personnes précédemment citées étaient toutes, de près ou de loin, liées à la franc-maçonnerie. Son pouvoir est certain et total, banque, magistrature politique, police, médias. La majeure partie de nos contemporains croient que c’est un club de réflexion philosophique dans lequel on discutaille du monde pour améliorer le sort de l’humanité.
 - Qu’elle soit déiste comme la GLNF, ou athéiste prosélyte comme le Grand Orient ou plus exactement le non Orient, les maçonneries sont totalement dégénérées et leur seule mission actuelle est de proposer une contre-initiation, bien éloignée de la maçonnerie opérative initiale des bâtisseurs de cathédrales : le livre récent de Sophie Coignard, Un état dans l’état, démontre bien les pouvoirs de cette secte, et ses magouilles, mêmes si le début de cet exposé en a exposé bien des faits accablants.

On ne comprend pas très bien où est l'ésotérisme, (ou même l'occultisme, ce qui est apparemment synonyme pour LLP), dans tout ce qui est évoqué...


Pourtant, la conférence ne devait pas concerner les réseaux, mais l'occultisme, comme il a été précisé à son introduction :
LLP :
- j’ai parlé de la franc-maçonnerie, son aspect réseaux, voyoucratie.
- Ici il va être question d’« ésotérisme et pouvoir », ou plus exactement « occultisme et pouvoir », sous-titré « de la réalité du monde ».


Même si elles sont ici exagérées jusqu'à la caricature (où sont évoqués par exemple le Siècle, la Trilatérale ou le groupe de Bilderberg ? ça aussi ce serait la Franc-Maçonnerie ??), les dérives affairistes liées à la Franc-Maçonnerie, comme celles que dénonce Sophie Coignard, sont bien réelles. Mais est-ce bien honnête de juger une organisation par ses manifestations les plus inférieures ? Dans le domaine religieux, on fait de même passer l'Eglise catholique pour un club de pédophiles.


LLP :
- Le rite maçonnique se réalise dans une loge à l’architecture identique à celle du temple de Salomon, prophète de Dieu. Les colonnes, le sol en damier, la voûte étoilée, son orientation dirigée vers l’Orient, tout ceci, d’ailleurs ils ne s’en cachent même pas ! c’est bien un temple, et temple ou templum vient d’une racine indo-européenne qui veut dire découper, opérer une césure entre le monde profane et l’espace de ce temple, qui devient sacré, et protégé par Dieu, pour y pratiquer le culte, par des rites précis.
- Il ne me reste plus qu’à trouver le faux dieu de cette fraternité satanique (illustration d’Eliphas Lévi).

René Guénon :
Dans le  Symbolisme  (numéro de décembre), sous le titre  Le Plagiat des Religions, Albert Lantoine envisage les ressemblances qui existent entre le symbolisme des diverses religions, y compris le Christianisme, celui de la Maçonnerie et celui des initiations antiques ; il n’y a pas lieu de s’étonner, dit-il, de ces similitudes qui procèdent, non du plagiat volontaire, mais d’une concordance inévitable ; cela est exact, mais il faudrait aller encore plus loin en ce sens, et il a le tort de méconnaître  la filiation réelle, et non pas seulement  « livresque »  ou « idéale », qui existe entre les différentes formes traditionnelles, sous leur double aspect exotérique, dont la religion est un cas particulier, et ésotérique ou initiatique ; il ne s’agit point là d’« emprunts », bien entendu, mais des liens qui rattachent toute tradition authentique et légitime à une seule et même tradition primordiale.
Ibid., comptes rendus d'articles de revues, février 1938

L'ésotérisme et la religion sont deux domaines bien distincts, ce que fait LLP c'est taxer de satanisme tout rite qui n'est pas religieux. C'est bien la peine de déclarer ensuite :

LLP :
Ma position guénonienne me cause plus de soucis qu’autre chose avec mes congénères... L’Islam moderne est plus exotérique qu’ésotérique et ça tu dois le savoir non ?!

Outre le fait que rigoureusement cette phrase ne veut rien dire, ce qu'elle veut confusément dénoncer concernant l'Islam, c'est exactement ce que fait LLP avec la Maçonnerie, en réduisant une forme traditionnelle à son seul aspect humain.


René Guénon :
Des erreurs plus subtiles, et  par suite plus redoutables,  se produisent parfois lorsqu’on parle, à propos de l’initiation, d’une « communication »  avec des états supérieurs ou des « mondes spirituels » ; et, avant tout, il y a là trop souvent l’illusion qui consiste à prendre pour  « supérieur »  ce qui ne l’est pas véritablement, simplement parce qu’il apparaît comme plus ou moins extraordinaire ou « anormal ». Il nous faudrait en somme répéter ici tout ce que nous avons déjà dit ailleurs de la confusion du psychique et du spirituel (1), car c’est celle-là qui est le plus fréquemment commise à cet égard ;  les états psychiques n’ont, en fait, rien de « supérieur » ni de « transcendant », puisqu’ils font uniquement partie de l’état individuel humain (2) ; et, quand nous parlons d’états supérieurs de l’être, sans  aucun abus de  langage, nous entendons par là  exclusivement les états supra-individuels.
 
Mais ce n’est pas tout : admettons que, dans la pensée de certains, il s’agisse vraiment d’une communication avec les états supérieurs ; cela sera encore bien loin de suffire à caractériser l’initiation. En effet, une telle communication est établie aussi par des rites d’ordre purement exotérique, notamment par les rites religieux ; il ne faut pas oublier que, dans ce cas également, des influences spirituelles, et non plus simplement psychiques, entrent réellement en jeu, bien que pour des  fins toutes différentes de celles qui se rapportent au domaine initiatique. L’intervention d’un élément « non-humain »  peut définir, d’une façon générale, tout ce qui est authentiquement traditionnel ; mais la présence de ce caractère commun n’est pas une raison suffisante pour ne pas faire ensuite les distinctions nécessaires, et en particulier pour confondre le domaine religieux et le domaine initiatique, ou pour voir entre eux tout au plus une simple différence de degré, alors qu’il y a réellement une différence de nature, et même, pouvons-nous dire, de nature profonde. Cette confusion est très fréquente aussi, surtout chez ceux qui prétendent étudier l’initiation « du dehors », avec des intentions qui peuvent être d’ailleurs fort diverses ; aussi est-il indispensable de la dénoncer formellement : l’ésotérisme est essentiellement autre chose que la religion, et non pas la partie « intérieure » d’une religion comme telle, même quand il prend sa base et son point d’appui dans celle-ci comme il arrive dans certaines formes traditionnelles, dans l’Islamisme par exemple (3) ; et  l’initiation n’est pas non plus une sorte de religion spéciale réservée à une minorité, comme semblent se l’imaginer, par exemple, ceux qui parlent des mystères antiques en les qualifiant de « religieux » (4). Il ne nous est pas possible de développer ici toutes les différences qui séparent les deux domaines religieux et initiatique, car, plus encore que lorsqu’il s’agissait seulement du domaine mystique qui n’est qu’une partie du premier, cela nous entraînerait assurément fort loin ; mais il suffira, pour ce que nous envisageons présentement, de préciser que la  religion considère l’être uniquement dans l’état individuel humain et ne vise aucunement à l’en faire sortir, mais  au contraire à lui assurer les conditions les plus favorables dans cet état même (5), tandis que l’initiation a essentiellement pour but de dépasser les possibilités de cet état et de rendre effectivement possible le passage aux états supérieurs, et même, finalement, de conduire l’être au delà de tout état conditionné quel qu’il soit.
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1 - Voir Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. XXXV.
2 -  Suivant la représentation géométrique que nous avons exposée dans  Le Symbolisme de la Croix, ces
modalités d’un même état sont de simples extensions se développant dans le sens horizontal, c’est-à-dire à un même niveau, et non pas dans le sens vertical suivant lequel se marque la hiérarchie des états supérieurs et inférieurs de l’être.
3 - C’est pour bien marquer ceci et éviter toute équivoque qu’il convient  de dire « ésotérisme islamique » ou
« ésotérisme chrétien », et non pas, comme le font certains, « Islamisme ésotérique » ou « Christianisme ésotérique » ; il est facile de comprendre qu’il y a là plus qu’une simple nuance.
4 -  On sait que l’expression « religion de mystères » est une de celles qui reviennent constamment dans la
terminologie spéciale adoptée par les « historiens des religions ».
5 -  Bien entendu, il s’agit ici de l’état humain envisagé dans son intégralité, y compris  l’extension indéfinie de
ses prolongements extra-corporels.
Aperçus sur l'Initiation, chapitre III - Erreurs diverses concernant l'initiation




2) État présent de la Franc-Maçonnerie

En guise d'articulation avec la partie qui précède :
S’il arrive que des idées « philosophiques » et plus ou moins « rationalistes » s’infiltrent dans une organisation initiatique, il ne faut voir là que l’effet d’une erreur individuelle (ou collective) de ses membres, due à leur incapacité de comprendre sa véritable nature, et par conséquent de se garantir de toute « contamination » profane ; cette erreur, bien entendu, n’affecte aucunement le principe même de l’organisation, mais elle est un des symptômes de cette dégénérescence de fait dont nous avons parlé, que celle-ci ait d’ailleurs atteint un degré plus ou moins avancé. Nous en dirons autant du « sentimentalisme » et du « moralisme » sous toutes leurs formes, choses non moins profanes par leur nature même ; le tout est du reste, en général, lié plus ou moins étroitement à une prédominance des préoccupations sociales ; mais c’est surtout quand celles-ci en viennent à prendre une forme spécifiquement « politique », au sens le plus étroit du mot, que la dégénérescence risque de devenir à peu près irrémédiable. Un des phénomènes les plus étranges en ce genre, c’est la pénétration des idées « démocratiques » dans les organisations initiatiques occidentales (et naturellement, nous pensons surtout ici à la Maçonnerie, ou tout au moins à certaines de ses fractions), sans que leurs membres paraissent s’apercevoir qu’il y a là une contradiction pure et simple, et même sous un double rapport : en effet, par définition même, toute organisation initiatique est en opposition formelle avec la conception « démocratique » et « égalitaire », d’abord par rapport au monde profane, vis-à-vis duquel elle constitue, dans l’acception la. plus exacte du terme, une « élite » séparée et fermée, et ensuite en elle-même, par la hiérarchie de grades et de fonctions qu’elle établit nécessairement entre ses propres membres. Ce phénomène n’est d’ailleurs qu’une des manifestations de la déviation de l’esprit occidental moderne qui s’étend ct pénètre partout, même là où elle devrait rencontrer la résistance la plus irréductible ; et ceci, du reste, ne s’applique pas uniquement au point de vue initiatique, mais tout aussi bien au point de vue religieux, c’est-à-dire en somme à tout ce qui possède un caractère véritablement traditionnel.

Ainsi, à côté des organisations demeurées purement initiatiques, il y a celles qui, pour une raison ou pour une autre, ont dégénéré ou dévié plus ou moins complètement, mais qui demeurent pourtant toujours initiatiques dans leur essence profonde, si incomprise que soit celle-ci dans leur état présent. Il y a ensuite celles qui n’en sont que la contrefaçon ou la caricature, c’est-à-dire les organisations pseudo-initiatiques ; et il y a enfin d’autres organisations à caractère également plus ou moins secret, mais qui n’ont aucune prétention de cet ordre, et qui ne se proposent que des buts n’ayant évidemment aucun rapport avec le domaine initiatique ; mais il doit être bien entendu que, quelles que soient les apparences, les organisations pseudo-initiatiques sont en réalité tout aussi profanes que ces dernières, et qu’ainsi les unes et les autres ne forment vraiment qu’un seul groupe, par opposition à celui des organisations initiatiques, pures ou « contaminées » d’influences profanes. Mais, à tout cela, il faut encore ajouter une autre catégorie, celle des organisations qui relèvent de la « contre-initiation », et qui ont certainement, dans le monde actuel, une importance bien plus considérable qu’on ne serait tenté de le supposer communément ; nous nous bornerons ici à les mentionner, sans quoi notre énumération présenterait une grave lacune, et nous signalerons seulement une nouvelle complication qui résulte de leur existence : il arrive dans certains cas qu’elles exercent une influence plus ou moins directe sur des organisations profanes, et spécialement pseudo-initiatiques[1] ; de là une difficulté de plus pour déterminer exactement le caractère réel de telle ou telle organisation ; mais, bien entendu, nous n’avons pas à nous occuper ici de l’examen des cas particuliers, et il nous suffit d’avoir indiqué assez nettement la classification qu’il convient d’établir d’une façon générale.
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1 - Cf. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. XXXVI.
Ibid., chapitre XII – Organisations initiatiques et sociétés secrètes


L'affirmation de LLP sur la Maçonnerie est assez claire :

LLP :
les maçonneries sont totalement dégénérées et leur seule mission actuelle est de proposer une contre-initiation, bien éloignée de la maçonnerie opérative initiale des bâtisseurs de cathédrales.

Pourtant...

René Guénon :
Des investigations que nous avons dû faire à ce sujet, en un temps déjà lointain, nous ont conduit à une conclusion formelle et indubitable que nous devons exprimer ici nettement, sans nous préoccuper des fureurs qu’elle peut risquer de susciter de divers côtés : si l’on met à part le cas de la survivance possible de quelques rares groupements d’hermétisme chrétien du moyen âge, d’ailleurs extrêmement restreints en tout état de cause, c’est un fait que, de toutes les organisations à prétentions initiatiques qui sont répandues actuellement dans le monde occidental, il n’en est que deux qui, si déchues qu’elles soient l’une et l’autre par suite de l’ignorance et de l’incompréhension de l’immense majorité de leurs membres, peuvent revendiquer une origine traditionnelle authentique et une transmission initiatique réelle ; ces deux organisations, qui d’ailleurs, à vrai dire, n’en furent primitivement qu’une seule, bien qu’à branches multiples, sont le Compagnonnage et la Maçonnerie. Tout le reste n’est que fantaisie ou charlatanisme, même quand il ne sert pas à dissimuler quelque chose de pire ; et, dans cet ordre d’idées, il n’est pas d’invention si absurde ou si extravagante qu’elle n’ait à notre époque quelque chance de réussir et d’être prise au sérieux, depuis les rêveries occultistes sur les « initiations en astral » jusqu’au système américain, d’intentions surtout « commerciales », des prétendues « initiations par correspondance » !
Ibid., chapitre V – de la régularité initiatique

Que fait en réalité LLP ?
René Guénon :
Cette subversion peut consister, soit à attribuer à l'aspect « maléfique », tout en le reconnaissant cependant comme tel la place qui doit normalement revenir à l'aspect « bénéfique », voire même une sorte de suprématie sur celui-ci, soit à interpréter les symboles au rebours de leur sens légitime, en considérant comme « bénéfique » l'aspect qui est en réalité « maléfique » et inversement. […] … la subversion la plus habile et la plus dangereuse est certainement celle qui ne se trahit pas par des singularités trop manifestes et que n'importe qui peut facilement apercevoir, mais qui déforme le sens des symboles ou renverse leur valeur sans rien changer à leurs apparences extérieures. Mais la ruse la plus diabolique de toutes est peut-être celle qui consiste à faire attribuer au symbolisme orthodoxe lui-même, tel qu'il existe dans les organisations véritablement traditionnelles, et plus particulièrement dans les organisations initiatiques, qui sont surtout visées en pareil cas, l'interprétation à rebours qui est proprement le fait de la « contre-initiation » ; et celle-ci ne se prive pas d'user de ce moyen pour provoquer les confusions et les équivoques dont elle a quelque profit à tirer.
Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, chapitre XXX - Le renversement des symboles

Espérons que ce ne soit pas conscient. En tous cas, LLP attribue à ces membres de la contre-tradition une lucidité qu'ils n'ont pas du tout :
LLP :
Les satanistes sont les plus intelligents, la preuve est que c’est eux qui ont le pouvoir en ce moment.

Rappelons ce passage, déjà cité à une autre occasion (décidément, certains gagneraient à (re ?)lire Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps !) :
René Guénon :
Évidemment, de tels êtres ne peuvent jamais être des mécanistes ni des matérialistes, ni même des « progressistes » ou des « évolutionnistes » au sens vulgaire de ces mots, et, quand ils lancent dans le monde les idées que ceux-ci expriment, ils le trompent sciemment ; mais ceci ne concerne en somme que l’« antitradition » négative, qui n’est pour eux qu’un moyen et non un but, et ils pourraient, tout comme d’autres, chercher à excuser cette tromperie en disant que « la fin justifie les moyens ». Leur erreur est d’un ordre beaucoup plus profond que celle des hommes qu’ils influencent et « suggestionnent » par de telles idées, car elle n’est pas autre chose que la conséquence même de  leur ignorance totale et invincible de la vraie nature de toute spiritualité ; c’est pourquoi il est beaucoup plus difficile de dire exactement jusqu’à quel  point ils peuvent être conscients de la fausseté de la « contre-tradition » qu’ils visent à constituer, puisqu’ils peuvent croire très réellement qu’en cela ils s’opposent à l’esprit, tel qu’il se manifeste dans toute tradition  normale et régulière,  et qu’ils se situent au même niveau que ceux qui le représentent en ce monde ; et, en ce sens, l’Antéchrist sera assurément le plus « illusionné » de tous les êtres. Cette illusion a sa racine dans l’erreur « dualiste » dont nous avons parlé ; et le dualisme, sous une forme ou sous une autre, est le fait de tous ceux dont l’horizon s’arrête à certaines limites, fût-ce celles du monde manifesté tout entier, et qui, ne pouvant ainsi résoudre, en la ramenant à un principe supérieur, la dualité qu’ils constatent en toutes choses  à l’intérieur de ces  limites, la croient vraiment irréductible et sont amenés par là même à la négation de l’Unité suprême,qui en effet est pour eux comme si elle n’était pas. C’est pourquoi nous avons pu dire que les représentants de la « contre-initiation » sont finalement dupes de leur propre rôle, et que leur illusion est même véritablement la pire de toutes, puisque, en définitive, elle est la seule par laquelle un être puisse, non pas être simplement égaré plus ou moins gravement, mais être réellement perdu sans retour ; mais évidemment, s’ils n’avaient pas cette illusion, ils ne rempliraient pas une fonction qui, pourtant, doit nécessairement être remplie comme toute autre pour l’accomplissement même du plan divin en ce monde.
chapitreXL - La fin d'un monde



Revenons à la Maçonnerie. Elle a en effet été déviée:
Il faut à notre avis, prendre en quelque sorte le contre-pied de l’opinion courante, et considérer la  « Maçonnerie spéculative »  comme n’étant, à bien des points de vue, qu’une dégénérescence de la « Maçonnerie opérative ». Cette dernière, en effet, était vraiment complète dans son ordre, possédant à la fois la théorie et la pratique correspondante, et sa désignation peut, sous ce rapport, être entendue comme une allusion aux « opérations » de l’« art sacré », dont la construction selon les règles traditionnelles était une des applications. Quant à la « Maçonnerie spéculative » qui a d’ailleurs pris naissance à un moment où les corporations constructives étaient en pleine décadence, son nom indique assez clairement qu’elle est confinée dans la « spéculation »  pure et simple, c’est-à-dire dans une théorie sans réalisation ; assurément, ce serait se méprendre de la plus étrange façon  que de regarder cela comme un « progrès ». Si encore il n’y avait eu là qu’un amoindrissement, le mal ne serait pas si grand qu’il l’est en réalité ; mais, comme nous l’avons dit déjà à diverses reprises, il y a eu en outre une véritable déviation au début du XVIIIe siècle, lors de la constitution de la Grande Loge d’Angleterre, qui  fut le point de départ de toute la Maçonnerie moderne.
Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, A propos des constructeurs du moyen-âge

Cependant, la déviation n'a pas pu être complète :
« Tout annonce, a dit Joseph de Maistre, que la Franc-Maçonnerie vulgaire est une branche détachée et peut-être corrompue d’une tige ancienne et respectable » (1). C’est bien ainsi qu’il faut envisager la question : on a trop souvent le tort de ne penser qu’à la Maçonnerie moderne, sans réfléchir que celle-ci est simplement le produit d’une déviation, Les premiers responsables de cette déviation, à ce qu’il semble, ce sont les pasteurs protestants, Anderson et Desaguliers, qui rédigèrent les Constitutions de la Grande Loge d’Angleterre, publiées en 1723, et qui firent disparaître tous les anciens documents sur lesquels ils purent mettre la main, pour qu’on ne s’aperçût pas des innovations qu’ils introduisaient, et aussi parce que ces documents contenaient des formules qu’ils estimaient fort gênantes, comme l’obligation de « fidélité à Dieu, à la Sainte Eglise et au Roi », marque incontestable de l’origine catholique de la Maçonnerie (2). Ce travail de déformation, les protestants l’avaient préparé en mettant à profit les quinze années qui s’écoulèrent entre la mort de Christophe Wren, dernier Grand-Maître de la Maçonnerie ancienne (1702), et la fondation de la nouvelle Grande Loge d’Angleterre (1717). Cependant, ils laissèrent subsister le symbolisme, sans se douter que celui-ci, pour quiconque le comprenait, témoignait contre eux aussi éloquemment que les textes écrits, qu’ils n’étaient d’ailleurs pas parvenus à détruire tous. Voilà, très brièvement résumé, ce que devraient savoir tous ceux qui veulent combattre efficacement les tendances de la Maçonnerie actuelle (3).
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1 - Mémoire au duc de Brunswick (1782).
2 - Au cours du XVIIIe siècle, la Maçonnerie écossaise fut un essai de retour à la tradition catholique,
représentée par la dynastie des Stuarts, par opposition à la Maçonnerie anglaise, devenue protestante et dévouée à la Maison d’Orange.
3 - Il y a eu ultérieurement une autre déviation dans les pays latins, celle-ci dans un sens antireligieux, mais c’est sur la « protestantisation » de la Maçonnerie anglo-saxonne qu’il convient d’insister en premier lieu.
Ibid., A propos des signes corporatifs et de leur origine

D'autant que la déviation en question a été corrigée, au moins du point de vue rituélique, par les anciens maçons opératifs :
c’est déjà beaucoup que de conserver scrupuleusement et intégralement le rituel, même sans le comprendre, et cela n’a certes rien d’un « jeu », car il ne s’agit point en ce cas d’une parodie ; mais, si l’initiation, dans ces conditions, demeure simplement virtuelle au lieu d’être effective, c’est précisément en cela que la Maçonnerie moderne n’est plus que « spéculative », c’est-à-dire privée des  « réalisations » que permettait l’ancienne Maçonnerie  « opérative », en partie sans doute parce que celle-ci avait pour base la pratique réelle du métier de constructeur, ce qui va bien plus loin qu’on ne le pense, mais en partie aussi pour d’autres raisons relevant de la  « technique »  initiatique en général, et évidemment tout à fait inaccessibles aux  « esprits distingués »  qui organisèrent la Grande Loge d’Angleterre ; encore est-il fort heureux pour celle-ci qu’il se soit trouvé des Maçons  « opératifs »  qui voulurent bien, un peu plus tard, corriger, au point de vue rituélique tout au moins, les fâcheux effets de l’ignorance de ses fondateurs…
Ibid., comptes rendus d’articles de revues,décembre 1937, sur un article d'Oswald Wirth

La réduction de l'opératif au spéculatif ne veut en effet pas dire que la transmission initiatique ait pour autant été interrompue, (et par là même perdue) :
il s’agit bien d’une organisation initiatique authentique, qui a seulement subi une dégénérescence ;  le début de cette dégénérescence, c’est, comme nous l’avons dit souvent, la transformation de la Maçonnerie opérative en Maçonnerie spéculative, mais on ne peut parler ici de discontinuité : même s’il y eut  « schisme », la filiation n’est pas interrompue pour cela et demeure légitime malgré tout ;  la Maçonnerie n’est pas une organisation fondée au début du XVIIIe siècle, et, au surplus, l’incompréhension de ses adhérents et même de ses dirigeants n’altère en rien la valeur propre des rites et des symboles dont elle demeure la dépositaire.
Ibid., comptes rendus d’articles de revues, juin 1937, à propos d'un article de Julius Evola

Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (numéro de janvier), un article est consacré à l’« âge de la Maçonnerie », ou, pour mieux dire, à montrer que celui-ci est en réalité impossible à déterminer ;  le point de vue des historiens modernes, qui ne veulent pas remonter plus loin que la fondation de la Grande Loge d’Angleterre en 1717, est assurément injustifiable, même en tenant compte de leur parti pris de ne s’appuyer que sur des documents écrits, car il en existe tout de même d’antérieurs à cette date, si rares soient-ils. Il est d’ailleurs à remarquer que ces documents se présentent tous comme des copies d’autres beaucoup plus anciens, et que la Maçonnerie y est toujours donnée comme remontant à une antiquité fort reculée ; que l’organisation maçonnique ait été introduite en Angleterre en 926 ou même en 627, comme ils l’affirment, ce fut déjà, non comme une « nouveauté », mais comme une continuation d’organisations préexistantes en Italie et sans doute ailleurs encore ; et ainsi, même si certaines formes extérieures se sont forcément modifiées suivant les pays et les époques, on peut dire que la Maçonnerie existe vraiment  from time immemorial, ou, en d’autres termes, qu’elle n’a pas de point de départ historiquement assignable.
Ibid., comptes rendus d’articles de revues, mars 1939




3) Perspectives et enjeux

Une restauration serait difficile, mais pas impossible :
Le véritable remède à la dégénérescence actuelle de la Maçonnerie, et sans doute le seul, serait tout autre : ce serait, à supposer que la chose soit encore possible, de changer la mentalité des Maçons, ou tout au moins de ceux d’entre eux qui sont capables de comprendre leur propre initiation, mais à qui, il faut bien le dire, l’occasion n’en a pas été donnée jusqu’ici ;  leur nombre importerait peu d’ailleurs, car, en présence d’un travail sérieux et réellement initiatique, les éléments « non-qualifiés » s’élimineraient bientôt d’eux-mêmes ;  et avec eux disparaîtraient aussi, par la force même des choses, ces agents de la  « contre-initiation »  au rôle desquels nous avons fait allusion dans le passage du Théosophisme  qui est cité  à la fin de l’article, car rien ne pourrait plus donner prise à leur action. Pour opérer  « un redressement de la Maçonnerie dans le sens traditionnel », il ne s’agit pas de « viser la lune », quoi qu’en dise « Inturbidus », ni de bâtir dans les nuées ;  il s’agirait seulement d’utiliser les possibilités dont on dispose, si réduites qu’elles puissent être pour commencer ;  mais, à une époque comme la nôtre, qui osera entreprendre une pareille œuvre ?
Ibid., comptes rendus d’articles de revues, novembre 1935

Sans doute la Maçonnerie de la fin du XVIIIe siècle n’avait-elle déjà plus en elle ce qu’il fallait pour accomplir ce  « Grand Œuvre », dont certaines conditions échappaient d’ailleurs très probablement à Joseph de Maistre lui-même ; est-ce à dire qu’un tel plan ne pourra jamais être repris sous une forme ou sous une autre, par quelque organisation ayant un caractère vraiment initiatique et possédant le  « fil d’Ariane »  qui lui permettrait de se guider dans le labyrinthe des formes innombrables sous lesquelles est cachée la Tradition unique, pour retrouver enfin la « Parole perdue »  et faire sortir  « la Lumière des Ténèbres, l’Ordre du Chaos » ? Nous ne voulons aucunement préjuger de l’avenir, mais certains signes permettent de penser que, malgré les apparences défavorables du monde actuel, la chose n’est peut-être pas tout à fait impossible ; et nous terminerons en citant une phrase quelque peu prophétique qui est encore de Joseph de Maistre, dans le IIe entretien des Soirées de Saint-Pétersbourg :  « Il faut nous tenir prêts pour un événement immense dans l’ordre divin, vers lequel nous marchons avec une vitesse accélérée qui doit frapper tous les observateurs. Des oracles redoutables annoncent déjà que  les temps sont arrivés. »
Ibid., Un projet de Joseph de Maistre pour l'union des peuples

En tous cas, ce retour à l'opérativité n'aurait rien à voir avec un retour au travail manuel :
Il ne faut pas oublier, en effet, que « spéculation » et « théorie » sont synonymes; et il est bien entendu que le mot « théorie » ne doit pas être pris ici dans son sens originel de « contemplation », mais uniquement dans celui qu’il a toujours dans le langage actuel, et que le mot « spéculation » exprime sans doute plus nettement, puisqu’il donne, par sa dérivation même, l’idée de quelque chose qui n’est qu’un « reflet », comme l’image vue dans un miroir (1), c’est-à-dire une connaissance indirecte, par opposition à la connaissance effective qui est la conséquence immédiate de la « réalisation », ou qui plutôt ne fait qu’un avec celle-ci. D’un autre côté, le mot « opératif » ne doit pas être considéré exactement comme un équivalent de « pratique », en tant que ce dernier terme se rapporte toujours à l’« action » (ce qui est d’ailleurs strictement conforme à son étymologie), de sorte qu’il ne saurait être employé ici sans équivoque ni impropriété (2) ; en réalité, il s’agit de cet « accomplissement » de l’être qu’est la « réalisation » initiatique, avec tout l’ensemble des moyens de divers ordres qui peuvent être employés en vue de cette fin ; et il n’est pas sans intérêt de remarquer qu’un mot de même origine, celui d’« oeuvre », est aussi usité précisément en ce sens dans la terminologie alchimique.
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1 - Le mot speculum, en latin, signifie en effet « miroir ».

2 - Il y a là, en somme, toute la différence qui existe en grec entre les sens respectifs des deux mots praxis et poêsis.
Aperçus sur l'Initiation, chapitre XXIX - « opératif » et « spéculatif »


Le rôle que Guénon assigne à la Maçonnerie dans les temps à venir est loin d'être négligeable :
Le plan général de l’ouvrage dans lequel elle devrait entrer exigeait sans doute que la Maçonnerie y fut présentée comme une sorte de « religion », alors qu’elle est pourtant tout autre chose en réalité, et cela implique forcément une certaine confusion entre les deux domaines exotérique et ésotérique. Nous ne croyons d’ailleurs pas que ce soit uniquement pour cette raison que l’auteur prend un peu trop facilement son parti des infiltrations de l’esprit profane qui se produisirent à partir de 1717 ; se rend-il suffisamment compte que des influences de ce genre ne pourraient aucunement s’exercer dans une organisation initiatique qui serait restée tout ce qu’elle doit être vraiment ? Quoi qu’il en soit, il faut le louer de ne pas déprécier outre mesure, comme le font tant d’autres, l’ancienne Maçonnerie opérative ; seulement, quand il estime que, dès le XVIIe siècle, celle-ci était déjà réduite à presque rien et tombée entre les mains d’une majorité de Maçons « acceptés » qui auraient préparé les voies à sa transformation en Maçonnerie spéculative, il y a bien des raisons de douter de l’exactitude de telles suppositions… [...] Il reconnaît nettement, d’autre part, que l’intrusion de la politique dans les temps postérieurs, quelles que soient les raisons qui peuvent l’expliquer en fait, ne saurait être regardée que comme une déviation « vers des buts trop terrestres » ; mais il semble espérer qu’un redressement à cet égard est toujours possible, et, assurément, nul ne souhaite plus que nous qu’il en soit ainsi. Quant à sa conclusion, où la Maçonnerie est envisagée comme pouvant devenir la « future citadelle des religions », beaucoup penseront probablement que ce n’est là qu’un beau rêve ; pour notre part, nous dirions plutôt que ce rôle n’est pas tout à fait celui d’une organisation initiatique qui se tiendrait strictement dans son domaine propre, et que, si celle-ci peut réellement « venir au secours des religions » dans une période d’obscuration spirituelle presque complète, c’est d’une façon assez différente de celle-là, mais qui du reste, pour être moins apparente extérieurement, n’en serait cependant que d’autant plus efficace.
Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, comptes rendus de livres, septembre 1947, Albert Lantoine – La Franc-Maçonnerie

Même si les chances d'un retour à l'opératif semblent faibles, la seule conservation en l'état de la Maçonnerie est en effet cruciale. Concernant les nombreux héritages que la maçonnerie a recueilli de formes traditionnelles éteintes :
il y aurait certainement beaucoup à dire sur ce rôle « conservateur » de la Maçonnerie et sur la possibilité qu’il lui donne de suppléer dans une certaine mesure à l’absence d’initiations d’un autre ordre dans le monde occidental actuel ;
Ibid., Parole perdue et mots substitués

et la Maçonnerie elle-même a-t-elle une origine unique, ou n’a-t-elle pas plutôt recueilli, dès le moyen âge, l’héritage de multiples organisations antérieures ?
Ibid., comptes rendus d’articles de revues, décembre 1932


Ce sujet est en réalité très grave. Réclamer la destruction de la Franc-Maçonnerie, c'est appeler à livrer à la contre-tradition les résidus psychiques d'une forme traditionnelle éteinte, qui seraient ensuite à la pleine disposition des contre-initiés pour faire sombrer encore plus profond le monde dans le chaos :
Pour comprendre ce que nous avons dit en dernier lieu à propos du « chamanisme », et qui est en somme la raison principale pour laquelle nous en avons donné ici cet aperçu, il faut remarquer que ce cas des vestiges qui subsistent d’une tradition dégénérée et dont la partie supérieure ou « spirituelle » a disparu est, au fond, tout à fait comparable à celui des restes psychiques qu’un être humain laisse derrière lui en passant à un autre état, et qui, dès qu’ils ont été ainsi abandonnés par l’« esprit », peuvent aussi servir à n’importe quoi ; qu’ils soient d’ailleurs utilisés consciemment par un magicien ou un sorcier, ou inconsciemment par des spirites, les effets plus ou moins maléfiques qui peuvent en résulter n’ont évidemment rien à voir avec la qualité propre de l’être auquel ces éléments ont appartenu antérieurement ; ce n’est plus qu’une catégorie spéciale d’« influences errantes », suivant l’expression employée par la tradition extrême-orientale, qui n’ont gardé tout au plus de cet être qu’une apparence purement illusoire. Ce dont il faut se rendre compte pour bien comprendre une telle similitude, c’est que les influences spirituelles elles-mêmes, pour entrer en action dans notre monde, doivent nécessairement prendre des « supports » appropriés, d’abord dans l’ordre psychique, puis dans l’ordre corporel lui-même, si bien qu’il y a là quelque chose d’analogue à la constitution d’un être humain. Si ces influences spirituelles se retirent par la suite, pour une raison quelconque, leurs anciens « supports » corporels, lieux ou objets (et, quand il s’agit de lieux, leur situation est naturellement en rapport avec la « géographie sacrée » dont nous avons parlé plus haut), n’en demeureront pas moins chargés d’éléments psychiques, et qui seront même d’autant plus forts et plus persistants qu’ils auront servi d’intermédiaires et d’instruments à une action plus puissante. On pourrait logiquement conclure de là que le cas où il s’agit de centres traditionnels et initiatiques importants, éteints depuis un temps plus ou moins long, est en somme celui qui présente les plus grands dangers à cet égard, soit que de simples imprudents provoquent des réactions violentes des « conglomérats » psychiques qui y subsistent, soit surtout que des « magiciens noirs », pour employer l’expression couramment admise, s’emparent de ceux-ci pour les manœuvrer à leur gré et en obtenir des effets conformes à leurs desseins. [...]

Une tradition qui est ainsi déviée est véritablement morte comme telle, tout autant que celle pour laquelle il n’existe plus aucune apparence de continuation ; d’ailleurs, si elle était encore vivante, si peu que ce fût, une pareille « subversion », qui n’est en somme pas autre chose qu’un retournement de ce qui en subsiste pour le faire servir dans un sens antitraditionnel par définition même, ne pourrait évidemment avoir lieu en aucune façon. Il convient cependant d’ajouter que, avant même que les choses en soient à ce point, et dès que des organisations traditionnelles sont assez amoindries et affaiblies pour ne plus être capables d’une résistance suffisante, des agents plus ou moins directs de l’« adversaire » (1) peuvent déjà s’y introduire pour travailler à hâter le moment où la « subversion » deviendra possible ; il n’est pas certain qu’ils y réussissent dans tous les cas, car tout ce qui a encore quelque vie peut toujours se ressaisir ; mais, si la mort se produit, l’ennemi se trouvera ainsi dans la place, pourrait-on dire, tout prêt à en tirer parti et à utiliser aussitôt le « cadavre » à ses propres fins. Les représentants de tout ce qui, dans le monde occidental, possède encore actuellement un caractère traditionnel authentique, tant dans le domaine exotérique que dans le domaine initiatique, auraient, pensons-nous, le plus grand intérêt à faire leur profit de cette dernière observation pendant qu’il en est temps encore, car, autour d’eux, les signes menaçants que constituent les « infiltrations » de ce genre ne font malheureusement pas défaut pour qui sait les apercevoir.

[...] Il y a là, pourrait-on dire, une sorte de « nécromancie » qui met en œuvre des restes psychiques tout autres que ceux des individualités humaines, et ce n’est assurément pas la moins redoutable, car elle a par là des possibilités d’action bien autrement étendues que celles de la vulgaire sorcellerie, et il n’y a même aucune comparaison possible sous ce rapport ; il faut d’ailleurs, au point où en sont les choses aujourd’hui, que nos contemporains soient vraiment bien aveugles pour n’en avoir pas même le moindre soupçon !
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1 - On sait qu’« adversaire » est le sens littéral du mot hébreu Shatan, et il s’agit en effet ici de « puissances » dont le caractère est bien véritablement « satanique ».
Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, chapitre XXVIII - Résidus psychiques



Concluons cette partie par une citation qui ne laisse pas d'ambiguïté quant à la position de René Guénon sur la Franc-Maçonnerie :

René Guénon :
Dans le numéro de septembre, Jules Boucher parle De l’Initiation dans un article qui témoigne d’un assez fâcheux pessimisme ; il n’a pas tort, assurément, de dénoncer les méfaits du rationalisme et de déplorer la banalité de certaines « spéculations » qui n’ont rien d’initiatique ; mais il paraît méconnaître totalement la valeur propre de l’initiation virtuelle, et il termine ainsi : « Est-il possible de s’opposer à la décadence de la Maçonnerie ? Il faudrait pour cela retrouver la « Parole perdue », et il nous semble bien que cette Parole (ce Verbe initiatique) est à jamais perdue. » Cet article est suivi d’une réponse de Marius Lepage qui remet très bien les choses au point, et dont nous citerons ces quelques extraits : « Nous vivons des années d’obscuration accélérée de tous les principes spirituels qui ont, jusqu’à ce jour, soutenu la substance du monde ; ce monde va bientôt s’écrouler… l’incompréhension des hommes en face de l’expression humaine du sacré est bien le signe le plus marquant de la proximité de la fin des temps. Pourquoi vous en affliger ? Ce qui est doit être, et toutes choses concourent à leur fin. La décadence apparente de toutes les organisations initiatiques n’est que l’effet de la corruption des hommes, de plus en plus éloignés du Principe. En quoi cela peut-il nous intéresser si nous sommes assurés que cette fin d’un monde s’intègre dans l’harmonie universelle et si nous avons bien compris l’enseignement de la Chambre du Milieu ?… C’est au sein des organisations initiatiques, en dépit de leurs déviations et de leur altération, que se retrouveront les derniers témoins de l’Esprit, ceux par qui la Lettre sera conservée et transmise aux adeptes qui recevront la charge de la faire connaître aux hommes d’un autre cycle. C’est aussi pourquoi nous ne devons pas désespérer; savons-nous quand et comment les paroles que nous prononçons ébranleront chez quelqu’un de nos Frères les centres subtils, et feront de lui un gardien de la tradition ? »
Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, comptes rendus d'articles de revues, juillet-août 1947


Passons à la P2, que LLP identifie à la Maçonnerie.




4) La loge P2

A ce sujet, LLP évoque principalement ce livre :



David Yallop, Au nom de Dieu (a-t-on tué le pape Jean Paul 1er ?).
Ce livre est disponible en téléchargement ici :


Voyons ce que dit l'auteur, David Yallop, au sujet de la Franc-Maçonnerie :
Pourtant, de l'explication réelle on ne parlerait pas, ni dans la presse ni sur les ondes — il s'agissait du dénominateur commun, du fait qui unissait chacun de ces hommes sur le point d'être remplacés. Villot le connaissait. Plus important encore, le pape aussi. C'était l'un des facteurs qui l'avaient poussé à agir : ôter à ces hommes tout pouvoir réel pour leur confier des postes relativement inoffensifs. Il s'agissait de la Franc-Maçonnerie. 

Ce n'est pas la Franc-Maçonnerie conventionnelle qui inquiétait le Pape, bien que l’Église considérât qu'en être membre constituait une cause d'excommunication automatique. Il était préoccupé par une loge maçonnique illégale qui avait essaimé bien au-delà de l'Italie dans sa recherche des richesses et du pouvoir. Elle se donnait le nom de P2.
Au nom de Dieu (a-t-on tué le pape Jean Paul 1er ?), p. 12

Licio Gelli
David Yallop :
Tandis que Sindona s'élevait dans les jungles financières de l'après-guerre milanaise, Gelli grimpait dans les cercles, du pouvoir compliqués de la politique sud-américaine. Un général par-ci, un amiral par-là, des politiciens, des hauts fonctionnaires. Tandis que Sindona cultivait ses relations en croyant que le pouvoir réside dans l'argent, Gelli, grâce à ses nouveaux amis, aspirait à la source du pouvoir réel : les renseignements. Des informations, un dossier personnel sur tel ou tel banquier, le dossier secret sur tel ou tel politicien, son réseau passait de l'Argentine au Paraguay, s'étendait au Brésil, à la Bolivie, à la Colombie, au Venezuela, et au Nicaragua. En Argentine, il acquit la double nationalité et devint le conseiller économique de ce pays en Italie en 1972. Une de ses principales activités consistait à négocier et à conclure l'achat de quantités d'armes pour l'Argentine. Cela comprenait des chars, des navires, des avions, des installations radar et finalement les missiles Exocet si meurtriers pendant la guerre des Malouines. Avant cela, il occupa des postes moins exaltants. En Italie, il fut Directeur Général de Permaflex, société qui fabriquait des matelas, et passa une brève période à la tête de Remington Rand en Toscane. Parmi les directeurs inscrits à l'époque sur les listes du conseil de Remington Rand, on trouve Michele Sindona.

Toujours avide d'augmenter son pouvoir et son influence, il songea que le mouvement maçonnique réhabilité constituait le véhicule parfait. Ironie de l'histoire, c'est son chef bien-aimé Mussolini qui avait interdit la Franc-Maçonnerie. Mussolini considérait qu'elle était « un Etat dans l'Etat ». Il est tout aussi plaisant de constater que le gouvernement démocratique italien, que Gelli méprisait tant, restaura la liberté maçonnique, tout en conservant un aspect du droit fasciste qui faisait de la création d'une organisation secrète un délit punissable. En conséquence, les Maçons réformés étaient obligés de déposer la liste de leurs membres auprès de l'administration.

Gelli entra dans une Loge Maçonnique conventionnelle en novembre 1963. Il atteignit rapidement le troisième degré, ce qui le rendait éligible pour diriger une Loge. Le Grand Maître de l'époque Giordano Gamberini encouragea Gelli à former un cercle de gens importants, dont certains pourraient éventuellement devenir Maçons mais dont tous pourraient se révéler utiles au développement d'une Franc-Maçonnerie légitime. Gelli sauta sur l'occasion. Et ce qu'il conçut en fait fut une organisation secrète et illégale. Ce groupe reçut le nom de Raggruppamento Gelli P2. Le P signifiait Propaganda, nom d'une Loge historique du xixe siècle. Au départ, il y amena des officiers supérieurs en retraite. A travers eux il obtint ses entrées auprès des chefs de l'active. Il tissait une toile qui devait progressivement recouvrir l'entière structure du pouvoir en Italie. Il abandonna très vite les idéaux et les aspirations de la vraie Franc-Maçonnerie, mais pas officiellement. Le but de Gelli n'avait rien à voir : il voulait que l'extrême droite dirige l'Italie. Mais cette direction devait prendre la forme d'un Etat secret dans l'Etat, à moins que l'inconcevable se produise et que les communistes soient élus au gouvernement. Si cela arrivait, il y aurait un coup d'Etat. L'extrême droite prendrait le pouvoir. Gelli pensait que les pays occidentaux accepteraient la situation. De fait, au début de la formation de P2 il reçut un soutien actif et les encouragements de la C.I.A. qui opérait en Italie. Si cela donne l'impression d'un scénario de fou condamné au sort de tous les projets du même ordre, on devra remarquer que parmi les membres de P2, uniquement en Italie (il existait, et existe encore des branches puissantes dans d'autres pays), on trouve le Commandant des Forces Armées Giovanni Torrisi, les chefs des services secrets, les généraux Giuseppe Santovito et Giulio Grassini, le chef de la Police Financière Italienne Orazio Giannini, des ministres du gouvernement et des politiciens de toutes les couleurs (hormis, évidemment, des communistes), trente généraux, huit amiraux, des directeurs de journaux, des patrons de télévision, de grands industriels et des banquiers, dont Roberto Calvi et Michele Sindona. Au contraire de la Franc-Maçonnerie conventionnelle, la liste des membres de P2 était tellement secrète que seul Gelli en connaissait tous les noms.
Ibid., pp. 152 à 154

David Yallop est totalement en accord avec ce que dit Guénon dans un extrait déjà cité :

René Guénon :
Quant à la Maçonnerie, nous étonnerons peut-être beaucoup les auteurs si nous disons que l’infiltration des idées modernes, au détriment de l’esprit initiatique, en a fait, non point un des agents de la « conspiration », mais au contraire une de ses premières victimes ; et cependant, en réfléchissant à certains efforts actuels de « démocratisation » du Catholicisme lui-même, qui ne leur ont certainement pas échappé, ils devraient pouvoir arriver, par analogie, à comprendre ce que nous entendons par là… Et oserons-nous ajouter qu’une certaine volonté d’égarer les recherches, en suscitant et en entretenant diverses « hantises » (peu importe que ce soit celle de la Maçonnerie, des Juifs, des Jésuites, du « péril jaune », ou quelque autre encore), fait précisément aussi partie intégrante du « plan » qu’ils se proposent de dénoncer, et que les « dessous » réels de certaines équipés antimaçonniques sont tout particulièrement instructifs à cet égard ? Nous ne savons que trop bien que, en insistant là-dessus, on risque fort de n’être agréable à personne, de quelque côté que ce soit ; mais est-ce là une raison suffisante pour ne point dire la vérité ?
Etudes sur la Franc-Maçonnerie, Comptes rendus de livres, juillet 1936, Emmanuel Malynski et Léon de Poncins – La Guerre occulte

LLP a-t-il vraiment lu ce livre ???





5) La révolution


LLP :
La monarchie est tombée à cause de la maçonnerie.

René Guénon :
Un autre collaborateur fait remarquer avec beaucoup de raison que rien n’est plus faux que l’affirmation courante suivant laquelle « les révolutions sont faites par les peuples »; seulement, il ne paraît pas avoir une idée très nette de la distinction existant entre les organisations initiatiques et les « sociétés secrètes » à caractère plus ou moins politique;
Comptes Rendus, mai 1945, à propos d’un article d’Atlantis.

On peut voir, à la lecture de différents comptes rendus de livres regroupés dans les Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, que Guénon a démenti cette affirmation à plusieurs reprises :
Albert Lantoine – La Franc-Maçonnerie
Il fait notamment justice, d’excellente façon, de la légende trop répandue sur le rôle que la Maçonnerie française du XVIIIe siècle aurait joué dans la préparation de la Révolution et au cours même de celle-ci, légende qui fut d’abord lancée par des adversaires de la Maçonnerie, mais ensuite admise, et peut-être même encore amplifiée, par des Maçons trop affectés par l’esprit moderne.
Septembre 1947

Maurice Favone – Les disciples d’Hiram en province : La Franc-Maçonnerie dans la Marche
Une autre vue beaucoup plus juste est celle qui se rapporte au rôle de la Maçonnerie au XVIIIe siècle : ses recherches l’ont convaincu qu’elle n’a nullement préparé la Révolution, contrairement à la légende propagé d’abord par les antimaçons, puis par certains Maçons eux-mêmes ; seulement, ce n’est point une raison pour conclure que « la Révolution est l’œuvre du peuple », ce qui est de la plus parfaite invraisemblance ; elle ne s’est certes pas faite toute seule, bien que ce qui l’a faite ne soit pas la Maçonnerie, et nous ne comprenons même pas comment il est possible, à qui réfléchit tant soit peu, d’ajouter foi à la duperie « démocratique » des révolutions spontanées…
Avril 1937

Albert Lantoine – Histoire de la Franc-Maçonnerie française : La Franc-Maçonnerie dans l’État 
Ce livre fait suite à un premier volume intitulé La Franc-Maçonnerie chez elle, paru il y a une dizaine d’années, mais il peut aussi fort bien se lire séparément. L’auteur, en y étudiant les rapports qu’a eut la Maçonnerie avec les divers gouvernements qui se sont succédés en France depuis Louis XV jusqu’à la troisième République, fait preuve d’une remarquable impartialité, et cette qualité est d’autant plus louable qu’elle se rencontre plus rarement quand il s’agit d’un pareil sujet, qui n’est généralement traité qu’avec un parti-pris fortement accentué dans un sens ou dans l’autre. Aussi lui arrivera-t-il sans doute de déplaire à la fois à la plupart des Maçons et à leurs adversaires, par exemple lorsqu’il démolit la légende qui veut que la Maçonnerie ait joué un rôle considérable dans la préparation de la Révolution, car, chose curieuse cette légende, qui doit sa naissance à des écrivains antimaçonniques tels que l’abbé Barruel, a fini par être adoptée, beaucoup plus tard, par les Maçons eux-mêmes. A ce propos, il est à remarquer que, parmi les personnages du XVIIIe siècle qui sont communément regardés comme ayant été rattachés à la Maçonnerie, il en est beaucoup pour lesquels il n’y a pas le moindre indice sérieux qu’ils l’aient jamais été réellement ; c’est le cas, entre autres, de la très grande majorité des Encyclopédistes. 
Juillet 1936

Au passage, ces dernières lignes répondent clairement à l'amalgame suivant (on passera sur la revendication de mettre la science moderne et le spirituel au même niveau) :
LLP :
nombre d’églises profanées … au seul nom de la raison scientiste maçonnique. Ce qu’ont oublié de dire les encyclopédistes, c’est la compatibilité complète entre science et spiritualité.

De plus, dénoncer les encyclopédistes, c'est encore faire une confusion entre la véritable contre-tradition et les acteurs apparents, qui sont de simples suggestionnés, et qui ne suffisent pas du tout en eux-mêmes à expliquer le cours des évènements:

René Guénon :
De toutes les superstitions prêchées par ceux-là mêmes qui font profession de déclamer à tout propos contre la « superstition », celle de la « science » et de la « raison » est la seule qui ne semble pas, à première vue, reposer sur une base sentimentale ; mais il y a parfois un rationalisme qui n’est que du sentimentalisme déguisé, comme ne le prouve que trop la passion qu’y apportent ses partisans, la haine dont ils témoignent contre tout ce qui contrarie leurs tendances ou dépasse leur compréhension. D’ailleurs, en tout cas, le rationalisme correspondant à un amoindrissement de l’intellectualité, il est naturel que son développement aille de pair avec celui du sentimentalisme, ainsi que nous l’avons expliqué au chapitre précédent ; seulement, chacune de ces deux tendances peut être représentée plus spécialement par certaines individualités ou par certains courants de pensée, et, en raison des expressions plus ou moins exclusives et systématiques qu’elles sont amenées à revêtir, il peut même y avoir entre elles des conflits apparents qui dissimulent leur solidarité profonde aux yeux des observateurs superficiels. Le rationalisme moderne commence en somme à Descartes (il avait même eu quelques précurseurs au XVIe siècle), et l’on peut suivre sa trace à travers toute la philosophie moderne, non moins que dans le domaine proprement scientifique ; la réaction actuelle de l’intuitionnisme et du pragmatisme contre ce rationalisme nous fournit l’exemple d’un de ces conflits, et nous avons vu cependant que Bergson acceptait parfaitement la définition cartésienne de l’intelligence ; ce n’est pas la nature de celle-ci qui est mise en question, mais seulement sa suprématie. Au XVIIIe siècle, il y eut aussi antagonisme entre le rationalisme des encyclopédistes et le sentimentalisme de Rousseau ; et pourtant l’un et l’autre servirent également à la préparation du mouvement révolutionnaire, ce qui montre qu’ils rentraient bien dans l’unité négative de l’esprit antitraditionnel. Si nous rapprochons cet exemple du précédent, ce n’est pas que nous prêtions à Bergson aucune arrière-pensée politique ; mais nous ne pouvons nous empêcher de songer à l’utilisation de ses idées dans certains milieux syndicalistes, surtout en Angleterre, tandis que, dans d’autres milieux du même genre, l’esprit « scientiste » est plus que jamais en honneur. Au fond, il semble qu’une des grandes habiletés des « dirigeants » de la mentalité moderne consiste à favoriser alternativement ou simultanément l’une et l’autre des deux tendances en question suivant l’opportunité, à établir entre elles une sorte de dosage, par un jeu d’équilibre qui répond à des préoccupations assurément plus politiques qu’intellectuelles ; cette habileté, du reste, peut n’être pas toujours voulue, et nous n’entendons mettre en doute la sincérité d’aucun savant, historien ou philosophe ; mais ceux-ci ne sont souvent que des « dirigeants » apparents, et ils peuvent être eux-mêmes dirigés ou influencés sans s’en apercevoir le moins du monde. De plus, l’usage qui est fait de leurs idées ne répond pas toujours à leurs propres intentions, et on aurait tort de les en rendre directement responsables ou de leur faire grief de n’avoir pas prévu certaines conséquences plus ou moins lointaines ; mais il suffit que ces idées soient conformes à l’une ou à l’autre des deux tendances dont nous parlons pour qu’elles soient utilisables dans le sens que nous venons de dire ; et, étant donné l’état d’anarchie intellectuelle dans lequel est plongé l’Occident, tout se passe comme s’il s’agissait de tirer du désordre même, et de tout ce qui s’agite dans le chaos, tout le parti possible pour la réalisation d’un plan rigoureusement déterminé. Nous ne voulons pas insister là-dessus outre mesure, mais il nous est bien difficile de ne pas y revenir de temps à autre, car nous ne pouvons admettre qu’une race tout entière soit purement et simplement frappée d’une sorte de folie qui dure depuis plusieurs siècles, et il faut bien qu’il y ait quelque chose qui donne, malgré tout, une signification à la civilisation moderne ; nous ne croyons pas au hasard, et nous sommes persuadé que tout ce qui existe doit avoir une cause ; libre à ceux qui sont d’un autre avis de laisser de côté cet ordre de considérations.
Orient et Occident, partie 1, chapitre II – La superstition de la science



Ce qu'il y a en réalité derrière la révolution :
Il est trop évident que le peuple ne peut conférer un pouvoir qu'il ne possède pas lui-même ; le pouvoir véritable ne peut venir que d'en haut, et c'est pourquoi, disons-le en passant, il ne peut être légitimé que par la sanction de quelque chose de supérieur à l'ordre social, c'est-à-dire d'une autorité spirituelle; s'il en est autrement, ce n'est plus qu'une contrefaçon de pouvoir, un état de fait qui est injustifiable par défaut de principe, et où, il ne peut y avoir que désordre et confusion. Ce renversement de toute hiérarchie commence dès que le pouvoir temporel veut se rendre indépendant de l'autorité spirituelle, puis se la subordonner en prétendant la faire servir à des fins politiques ; il y a là une première usurpation qui ouvre la voie à toutes les autres, et l'on pourrait ainsi montrer que, par exemple, la royauté française, depuis le XIVe siècle, a travaillé elle-même inconsciemment à préparer la Révolution qui devait la renverser ;
La Crise du Monde Moderne, chapitre VI – le chaos social


Mais revenons à Philippe le Bel, qui nous fournit un exemple particulièrement typique pour ce que nous nous proposons d’expliquer ici : il est à remarquer que Dante attribue comme mobile à ses actions la « cupidité » (1), qui est un vice, non de Kshatriya. mais de Vaishya ; on pourrait dire que les Kshatriyas, dès qu’ils se mettent en état de révolte, se dégradent en quelque sorte et perdent leur caractère propre pour prendre celui d’une caste inférieure. On pourrait même ajouter que cette dégradation doit inévitablement accompagner la perte de la légitimité : si les Kshatriyas sont, par leur faute, déchus de leur droit normal à l’exercice du pouvoir temporel, c’est qu’ils ne sont pas de vrais Kshatriyas, nous voulons dire que leur nature n’est plus telle qu’elle les rende aptes à remplir ce qui était leur fonction propre. Si le roi ne se contente plus d’être le premier des Kshatriyas, c’est-à-dire le chef de la noblesse, et de jouer le rôle « régulateur » qui lui appartient à ce titre, il perd ce qui fait sa raison d’être essentielle, et, en même temps, il se met en opposition avec cette noblesse dont il n’était que l’émanation et comme l’expression la plus achevée. C’est ainsi que nous voyons la royauté, pour « centraliser » et absorber en elle les pouvoirs qui appartiennent collectivement à la noblesse tout entière, entrer en lutte avec celle-ci et travailler avec acharnement à la destruction de la féodalité, dont pourtant elle était issue ; elle ne pouvait d’ailleurs le faire qu’en s’appuyant sur le tiers-état, qui correspond aux Vaishyas ; et c’est pourquoi nous voyons aussi, à partir de Philippe le Bel précisément, les rois de France s’entourer presque constamment de bourgeois, surtout ceux qui, comme Louis XI et Louis XIV, ont poussé le plus loin le travail de « centralisation », dont la bourgeoisie devait du reste recueillir ensuite le bénéfice lorsqu’elle s’empara du pouvoir par la Révolution.

La « centralisation » temporelle est d’ailleurs généralement la marque d’une opposition vis-à-vis de l’autorité spirituelle, dont les gouvernements s’efforcent de neutraliser ainsi l’influence pour y substituer la leur ; c’est pourquoi la forme féodale, qui est celle où les Kshatriyas peuvent exercer le plus complètement leurs fonctions normales, est en même temps celle qui parait convenir le mieux à l’organisation régulière des civilisations traditionnelles, comme l’était celle du moyen âge. L’époque moderne, qui est celle de la rupture avec la tradition, pourrait, sous le rapport politique, être caractérisée par la substitution du système national au système féodal ; et c’est au XIVème siècle que les « nationalités » commencèrent à se constituer, par ce travail de « centralisation » dont nous venons de parler. On a raison de dire que la formation de la « nation française », en particulier, fut l’œuvre des rois ; mais ceux-ci, par la même, préparaient sans le savoir leur propre ruine (2) ; et, si la France fut le premier pays d’Europe où la royauté fut abolie, c’est parce que c’est en France que la « nationalisation » avait eu son point de départ. D’ailleurs, il est à peine besoin de rappeler combien la Révolution fut farouchement « nationaliste » et « centralisatrice », et aussi quel usage proprement révolutionnaire fut fait, durant tout le cours du XIXème siècle, du soi-disant « principe des nationalités » (3) ; il y a donc une assez singulière contradiction dans le « nationalisme » qu’affichent aujourd’hui certains adversaires déclarés de la Révolution et de son œuvre. Mais le point le plus intéressant pour nous présentement est celui-ci : la formation des « nationalités » est essentiellement un des épisodes de la lutte du temporel contre le spirituel ; et, si l’on veut aller au fond des choses, on peut dire que c’est précisément pour cela qu’elle fut fatale à la royauté, qui, alors même qu’elle semblait réaliser toutes ses ambitions, ne faisait que courir à sa perte (4).

[…]

D’après ce qui vient d’être exposé, la royauté française, sans aller jusqu’à une rupture aussi manifeste avec l’autorité spirituelle, avait en somme, par d’autres moyens plus détournés, agi exactement de la même façon, et même il semble bien qu’elle avait été la première à s’engager dans cette voie ; ceux de ses partisans qui lui en font une sorte de gloire ne paraissent guère se rendre compte des conséquences que cette attitude a entraînées et qu’elle ne pouvait pas ne pas entraîner. La vérité est que c’est la royauté qui, par là, ouvrit inconsciemment le chemin à la Révolution, et que celle-ci, en la détruisant, ne fit qu’aller plus loin dans le sens du désordre où elle-même avait commencé à s’engager. 

[…]

la révolution qui renverse la royauté est à la fois la conséquence logique et le châtiment, c’est-à-dire la compensation, de la révolte antérieure de cette même royauté contre l’autorité spirituelle. La loi est niée dès lors qu’on nie le principe même dont elle émane ; mais ses négateurs n’ont pu la supprimer réellement, et elle se retourne contre eux ; c’est ainsi que le désordre doit rentrer finalement dans l’ordre, auquel rien ne saurait s’opposer, si ce n’est en apparence seulement et d’une façon tout illusoire.
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1 - C’est par là que s’explique, non seulement la destruction de l’Ordre du Temple, mais aussi, plus visiblement encore, ce qu’on a appelé l’altération des monnaies, et ces deux faits sont peut-être liés plus étroitement qu’on ne pourrait le supposer à première vue ; en tous cas, si les contemporains de Philippe le Bel lui firent un crime de cette altération, il faut en conclure que, en changeant de sa propre initiative le titre de la monnaie, il dépassait les droits reconnus au pouvoir royal. Il y a là une indication qui est à retenir, car cette question de la monnaie avait, dans l’antiquité et au moyen âge, des aspects tout à fait ignorés des modernes, qui s’en tiennent au simple point de vue « économique » ; c’est ainsi qu’on a remarqué que, chez les Celtes, les symboles figurant sur les monnaies ne peuvent s’expliquer que si on les rapporte à des connaissances doctrinales qui étaient propres aux Druides, ce qui implique une intervention directe de ceux-ci dans ce domaine ; et ce contrôle de l’autorité spirituelle a dû se perpétuer jusque vers la fin du moyen âge.

2 - A la lutte de la royauté contre la noblesse féodale, on peut appliquer strictement cette parole de l’Evangile : « Toute maison divisée contre elle-même périra ».

3 - Il y a lieu de remarquer que ce « principe des nationalités » fut surtout exploité contre la Papauté et contre l’Autriche, qui représentait le dernier reste du Saint-Empire.

4 - Là où la royauté a pu se maintenir en devenant « constitutionnelle », elle n’est plus que l’ombre d’elle-même et n’a guère qu’une existence nominale et « représentative », comme l’exprime la formule connue d’après laquelle « le roi règne, mais ne gouverne pas » ; ce n’est véritablement qu’une caricature de l’ancienne royauté.
Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel, chapitre VII – Les usurpations de la royauté et ses conséquences




6) L'Islam et la Franc-Maçonnerie


LLP :
- qu’en est-il de la franc-maçonnerie en Islam : chute du Kalhifa en Turquie.
- En Turquie, il y a de la Franc-Maçonnerie très puissante et très cachée, par exemple le Rotary club, et le Lion's club.

Depuis quand le Rotary club ou le Lion's club sont-ils maçonniques ? On continue dans les délires.

Quant à accuser la Franc-Maçonnerie des attaques contre l'Islam en Turquie, elle est vraiment suspecte, parce qu'elle cache les véritables responsables, et égare les recherches que pourraient vouloir mener les personnes de bonne foi.


René Guénon :
Il faut ajouter que, dans l’Occident, nous comprenons aussi le judaïsme, qui n’a jamais exercé d’influence que de ce côté, et dont l’action n’a même peut-être pas été tout à fait étrangère à la formation de la mentalité moderne en général ; et, précisément, le rôle prépondérant joué dans le bolchevisme par les éléments israélites est pour les Orientaux, et surtout pour les Musulmans, un grave motif de se méfier et de se tenir à l’écart ; nous ne parlons pas de quelques agitateurs du type « jeune-turc », qui sont foncièrement antimusulmans, souvent aussi israélites d’origine, et qui n’ont pas la moindre autorité.
Orient et Occident, partie 1, chapitre IV - Terreurs chimériques et dangers réels


Les "jeunes turcs" étaient des donmeh, adorateurs de Sabbataï Tsevi, déjà évoqués ici :
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.com/2011/06/mise-au-point-sur-la-contre-tradition-2.html

Ces "jeunes turcs", tels qu'un de leurs chefs, Talaat Pacha, faisaient partie d'une branche déviée de l'ordre Bektashi.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Talaat_Pacha

Talaat was the single most important figure in Turkish politics. He was very much a self-made man. Little is known of his origins and background except that they were humble. He began life as a minor employee of the Post and Telegraph Office and is believed to have been a Bektashi, that is, a member of the largest of the Turkish Dervish orders. (The Dervishes were Moslem religious brotherhoods.) He is believed to have joined a Freemason lodge, is known to have organized a secret political society, and to have been imprisoned for a time for his underground activities. 
David Fromkin, A Peace to End All Peace: The Fall of the Ottoman Empire and the Creation of the Modern Middle East (Avon Books, New York, 1989)

http://www.h-net.org/~fisher/hst373/readings/fromkin.html




Un personnage qui a joué un rôle dans la confusion entre maçonnerie et bektashi a d'ailleurs été évoqué dans la conférence de LLP, d'une façon telle que le passage ne choque pas avec l'ensemble uniformément débile de celle-ci :
LLP :
- Initié Rose-Croix, membre également de la Golden Dawn, Hitler sera versé très tôt dans l’ésotérisme satanique par ses fréquentations. Il sera initié à la société secrète de Thulé par Karl Haushofer et Rudolf von Sebottendorf, deux sorciers pratiquant le contact avec le monde des démons, tous deux illuminés adeptes de Weishaupt, rosicruciens et membres de la Golden Dawn.

Ce personnage est Von Sebottendorf.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Rudolf_von_Sebottendorf

Dans le livre, rempli de conceptions théosophistes, dont est extrait le passage suivant, il parle d'initiation maçonnique, alors que ce sont en fait des pratiques propres aux bektashi :

Rudolf von Sebottendorf :
Je fus très troublé en entendant ces paroles (c'était au début de ma propre initiation) que le Cheikh Mch. Rafi adressait à un derviche Bektashi, qu'il initiait à la « Ilm el miftach » ; aucun astrologue n'aurait pu mieux préciser, et avec plus de simplicité, l'action exercée par les planètes. 
La pratique opérative de l'ancienne Franc-Maçonnerie turque

Mais il y avait bien de la maçonnerie en Turquie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Franc-ma%C3%A7onnerie_en_Turquie

Simplement c'est très, très curieux de la charger injustement des crimes des donmeh, qui, au passage, en plus de la situation de l'Islam en Turquie, sont aussi responsables du génocide arménien. Leurs liens avec l'occultisme nazi sont d'ailleurs évidents, par l'intermédiaire de Sebottendorf, qui finira d'ailleurs suicidé en Turquie, jeté dans le Bosphore.



Abordons maintenant la compatibilité entre l'Islam et la Franc-Maçonnerie, d'après Guénon.

Sur la compatibilité de la Maçonnerie avec tout exotérisme, quel qu'il soit :
René Guénon :
Nous avons dit que l’état d’esprit que nous dénonçons ici est propre à l’Occident ; en effet, il ne peut pas exister en Orient, d’abord à cause de la persistance de l’esprit traditionnel dont le milieu social tout entier est encore pénétré (1), et aussi pour une autre raison : là où l’exotérisme et l’ésotérisme sont liés directement dans la constitution d’une forme traditionnelle (2), de façon à n’être en quelque sorte que comme les deux faces extérieure et intérieure d’une seule et même chose, il est immédiatement compréhensible pour chacun qu’il faut d’abord adhérer à l’extérieur pour pouvoir ensuite pénétrer à l’intérieur (3), et qu’il ne saurait y avoir d’autre voie que celle-là. Cela peut paraître moins évident dans le cas où, comme il arrive justement dans l’Occident actuel, on se trouve en présence d’organisations initiatiques n’ayant pas de lien avec l’ensemble d’une forme traditionnelle déterminée ; mais alors nous pouvons dire que, par là même, elles sont, en principe tout au moins, compatibles avec tout exotérisme quel qu’il soit, mais que, au point de vue strictement initiatique qui seul nous concerne présentement à l’exclusion de la considération des circonstances contingentes, elles ne le sont pas véritablement avec l’absence d’exotérisme traditionnel.
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1 - Nous parlons ici de ce milieu pris dans son ensemble, et, par conséquent, nous n’avons pas à tenir compte à cet égard des éléments « modernisés », c’est-à-dire en somme « occidentalisés », qui, si bruyants qu’ils puissent être, ne constituent encore malgré tout qu’une assez faible minorité.

2 - Nous prenons, pour la facilité de l’expression, ces deux termes d’exotérisme et d’ésotérisme dans leur acception la plus large, ce qui ne peut avoir ici aucun inconvénient, car il va de soi que même dans une forme traditionnelle où une telle division n’est pas formellement établie, il y a nécessairement toujours quelque chose qui correspond à l’un et l’autre de ces deux points de vue ; dans ce cas, le lien qui existe entre eux est d’ailleurs encore plus évident.

3 - On peut dire aussi, suivant un symbolisme assez fréquemment usité, que le « noyau » ne peut pas être atteint autrement qu’à travers l’« écorce ».
Initiation et Réalisation Spirituelle, Chapitre VII - Nécessité de l’exotérisme traditionnel

L'exotérisme certes, mais l'ésotérisme islamique est-il compatible avec la maçonnerie ?
Dans une de ses correspondances à Schuon rendue publique, Guénon répond très clairement à cette question :
(…) Ce que vous avez répondu à Clavelle au sujet de la Maçonnerie coïncide en somme, sur les points essentiels, avec ce que je lui avais déjà écrit moi-même ; il en est ainsi notamment en ce qui concerne la méthode de réalisation faisant en quelque sorte corps avec l’exercice même du métier ; il va de soi, d’ailleurs, que cette question de réalisation n’est pas, dans les circonstances présentes, celle qui se pose de la façon la plus immédiatement urgente… Il est tout à fait exact qu’autrefois, comme vous le dites, « les Maçons pratiquaient toujours l’exotérisme du monde où ils vivaient », et cela parce que la Maçonnerie elle-même n’est liée à aucune forme exotérique déterminée ; pour cette raison précisément elle n’est incompatible avec aucune, en principe tout au moins, de sorte que la question d’un changement de forme traditionnelle ne peut même pas se poser réellement en pareil cas. J’ajoute qu’elle n’est pas incompatible non plus avec tout autre initiation surtout si on ne l’envisage en quelque sorte qu’à titre « accessoire », ce qu’en tout cas son état actuel justifie assurément… Par rapport à l’Islam en particulier, personne, dans les pays islamiques mêmes, n’a jamais pensé qu’il puisse y avoir une incompatibilité quelconque, et cela aussi bien au point de vue ésotérique qu’au point de vue exotérique ; ici, par exemple, il y a toujours eu depuis longtemps des Maçons à la fois parmi les « ulamâ ez-zâhir » et parmi les membres des diverses turuq. Pour ceux-ci, il y a d’ailleurs au moins un exemple illustre : celui de l’émir Abdel-Qader, qui, en dehors de son rôle extérieur, était un mutaçawwuf éminent (ce que les historiens européens paraissent naturellement ignorer), et qui se fit recevoir Maçon lors de son séjour à Alexandrie. Voici encore quelque chose de plus : le Sheikh Elîsh (1) disait que « si les Maçons comprenaient bien leurs symboles, ils seraient tous Musulmans » ; et, à ce propos, il expliquait les 4 lettres du nom d’Allah, sous le rapport de leurs formes comme correspondant respectivement à la règle, au compas, à l’équerre et au triangle...
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1 - Il s’agit du Sheikh égyptien Abd-er-Rahmân Elish El-Kébir auquel est dédié Le Symbolisme de la Croix. Guénon a, selon toute vraisemblance, reçu l’initiation en 1912 de John Gustav Agelii (Abdul-Hâdi) lui même moqaddem du Sheikh Elîsh.
Lettre de René Guénon du 9 novembre 1946

http://www.frithjof-schuon.com/GrandeTriade.htm

L'Islam et la Maçonnerie, en plus de n'avoir aucune raison d'être opposés, sont même totalement compatibles.


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