dimanche 17 juin 2012

René Guénon - Recueil posthume papier - Initiation et Réalisation spirituelle (errata)

Désormais regroupé dans de nouveaux recueils posthumes.


Errata (non exhaustif)

Les morceaux qui manquaient sont surlignés en vert, ceux qui étaient en trop en rouge.


note 1 : Dans la tradition islamique, c’est à supporter la sottise et l’ignorance humaines que consiste haqiqatushaqîqatuz-zakâhzakah
[...]
Ici, nous avons affaire à la sottise pure et simple, mais parfois aussi à la mauvaise foi, ou plus probablement à un mélange de l’unl’une et de l’autre
[...]
combien et pour quelles raisons nous sommes résolument opposésopposé à toute propagande
[...]
comment serait-il encore possible d’admettre qu’ils soient réellement de bonne foi ?
[...]
chercher à convaincre qui que ce soit de la vérité de telle ou de telle idée
[...]
une étrange recrudescence des attaques les plus injustesineptes et les plus injustifiées
Contre la vulgarisation

il semble qu’elles ne visent à rien d’autresautre qu’à retenir toute l’attention
[...]
permet à la coutume de s’imposer comme elle le fait et de prendre le caractère d’une véritable obsession :; l’homme ne peut jamais agir sans quelque motif
[...]
il faut qu’il s’en trouve un dans un ordre aussi bassement contingent et aussi dépourvu de toute portée effective que celui auquel appartiennent ces actions elles-mêmes
[...]
Il est facile de se rendre compte que c’est là une description très exacte de la prédominance successive
[...]
Or, la coutume appartient incontestablement au domaine des apparences purement extérieures, derrière lesquelles il n’y a rien

La coutume contre la tradition

dans tous les cas, ce n’est pas sur ces influences psychiques ni par leur moyen qu’agit le rite initiatique, qui se révèleréfère uniquement à l’influence spirituelle et ne saurait, précisément en tant qu’il est initiatique, avoir aucune raison d’être en dehors de celle-ci. une telle chose ne peut se produire que pour des individualités possédant des qualifications qui dépassent de beaucoup l’ordinaire
A propos du rattachement initiatique

mais c’est là quelque chose de très secondaire et de purement contingent, qui n’a rien à voir avec l’initiation elle-même. Celle-ci est entièrement indépendante de l’action d’une force physiquepsychique quelconque, puisqu’elle consiste proprement et essentiellement dans la transmission directe d’une influence spirituelle
Influences spirituelles et « égrégores »

nous doutons fort que, tant qu’ils y persisteront volontairement, il leur soit possible d’aller plus loin et de passer de là à l’initiation effective.
Nécessité de l’exotérisme traditionnel

La réalité supérieure dont nous parlons se situe bien au-delà du domaine « psychologique », et à un niveau où la distinction même de l’« objectif » et du « subjectif » et n’a véritablement plus aucun sens ;   
Guru et upaguru

il advient trop souvent qu’un être naît dans un milieu qui n’est pas en harmonie avec sa nature propre, et qui par conséquent n’est pas celui qui lui convient réellement et qui peut permettre à ses possibilités de se développer d’une façon normale, surtout dans l’ordre intellectuel et spirituel 
A propos de « conversions »

On peut penser ainsiaussi, à ce propos, à ce que dit Aristote de l’accomplissement par chaque être de son « acte propre »
[...]
Dès lors que l’artisan humain imite ainsi dans son domaine particulier l’opération de l’Artisan divin, il participe à l’œuvre même de celui-ci dans une mesure correspondante, et d’une façon d’autant plus effective qu’il est plus conscient de cette opérationcoopération

Sur la « glorification du travail »

Il est bien entendu qu’il ne s’agit aucunement pour nous d’amoindrir la portée des différences qualificativesqualitatives qui existent dans le mysticisme lui-même
Contemplation directe et contemplation par reflet

celle des voies du YoqaYoga, dont on parle quelquefois comme d’autant de Yogas distincts, bien que cet emploi du pluriel soit tout à fait impropre si le mot était pris dans son sens strict, qui désigne le but lui-même ; il ne se justifie que par l’extension usuelle de la même dénomination aux méthodes ou aux procédés qui sont unismis en œuvre pour atteindre ce but
Doctrine et méthode

la Connaissance pure est, en elle-même, d’ordre essentiellement supra-individuel, c’est-à-dire en définitive spirituel, comme l’intellect transcendant dont elle relève ; le caractère nettement psychique de Bhakti est évident, tandis que Karma, dans toutes ses modalités, comporte forcément une certaine activité d’ordre corporel, et, quelles que soient les transpositions dont ces termes sont susceptibles, quelque chose de cette nature originelle doit toujours s’y retrouver inévitablement.
[...]
il faut bien dire que les interprétations auxquelles ce fait àa donné lieu ne sont pas toujours exemptes d’équivoques et de confusions, et cela à plus d’un point de vue.
Les trois voies et les formes initiatiques

Quand on parle d’ascétisme comme on le fait habituellement, cela paraît impliquer encore autre chose : c’est que ce qui ne devaitdevrait être normalement qu’un simple moyen ayant un caractère préparatoire est trop souvent pris pour une véritable fin
[...]
De tels résultats, quel que soit d’ailleurs le degré jusqu’où ils peuvent aller, sont, dans l’ordre exotérique et religieux lui-même, le vrai but de l’« ascétique » ; mais combien sont, de nos jours tout au moins, ceux qui se doutent qu’ils peuvent aussiainsi être atteints par une voie active, donc tout autre que la voie passive des mystiques ?

[...]
ce sont toutes les contingences dont l’être doit parvenir à se dégager comme d’autant de liens ou d’obstacles qui l’empêcheempêchent de s’élever à un état supérieur 
Ascèse et ascétisme

c’est de trouver un instructeur vraiment qualifié, c’est-à-dire capable de remplir réellement la fonction de guide spirituel, ainsi que nous venons de le dire, en appliquant tous les moyens convenables à cette fin et en dirigeant chacun conformément à ses propres possibilités particulières, en dehors desquelles il est évidemment impossible, même au Maître le plus parfait, d’obtenir aucun résultat effectif.
Vrais et faux instructeurs spirituels

Ce qu’il est peut-être plus important de remarquer expressément, parce qu’on pourrait plus facilement s’y méprendre, c’est que, quand nous parlons de l’état où une telle acquisition a eu lieu comme antérieur à l’état humain, il ne faut pas concevoir cette antériorité comme impliquant en réalité et littéralement une succession plus ou moins assimilable à la succession temporelle telle qu’elle existe à l’intérieur de l’état humain lui-même, mais seulement comme exprimant l’enchaînement causal des différents états
[...]
depuis celui du cheng-jen ou sage confucianiste jusqu’à celui du tchentchenn-jen ou « homme véritable »
[...]
note 3 : ce cas est donc évidemment tout autre que celui que nous envisageronsenvisageons présentement

Sagesse innée et sagesse acquise

Dans le cas où la transmission initiatique est effectuée par une seule personne, celle-ci assureassume par là même la fonction dude Guru, vis-à-vis de l’initié
[...]
et, si même celui qui accomplit la transmission initiatique n’est proprement qu’un upaguru, ainsi que nous l’avons expliqué ailleurs(1), à plus forte raison en sera-t-il de même de tous les autres
----
1 - Voir Guru et upaguru, dans le n° de janvier-février 1948.
[...]
nous ne l’entendronsl’entendons pas simplement comme la réunion des individus considérés dans leur seule modalité corporelle
[...]
Nous rappellerons ce que nous avons déjà dit à ce propos en une autre occasion

Travail initiatique collectif et « présence » spirituelle

que quelqu’un doive y remplir la fonction d’un Guru au sens propre de ce mot, et, comme nous l’avons expliqué ailleurs(1), ce cas est surtout celui de certaines formes
----
1 - Voir Travail initiatique collectif et « présence » spirituelle, dans le n° d’avril-mai 1949.
[...]
le Guru intérieur est toujours présent, puisqu’il ne fait qu’un avec le « Soi » lui-même
note 4 : ainsi, dans l’initiation islamique, certaines juruqTuruq

Sur le rôle du Guru

comment se ferait-il que les formes initiatiques qui se rapportent proprement aux « petits mystères » comprennent généralement une pluralité de degrés, par exemple trois dans certainscertaines d’entre elles
Sur les degrés initiatiques

Nous ferons seulement remarquer combien il est absurde de parler dude « quiétisme » à propos du Yoga
[...]
et à plus forte raison dans son exagération « quiétiste », est tout à fait étrangère aux doctrines dont il s’agit. À vrai dire, nous soupçonnons que l’imputation de « quiétisme » est tout à fait étrangère aux doctrines dont il s’agit. À vrai dire, nous soupçonnons que l’imputation de « quiétisme », tout comme celle de « panthéisme »

Contre le quiétisme

Nous faisions allusion, à la fin du précédent chapitrede notre dernier article
[...]
appartenant à un ordre inférieur, doivent être considérés par la même comme n’ayant qu’une moindre réalité (mais non pas comme n’ayant aucune réalité) ; il faut seulement savoir toujours maintenir chaque chose à la place qui lui revient dans la hiérarchie des degrés de l’existence ; et cela est également vrai de l’action extérieure, qui n’est en somme que l’activité propre de certains de ces éléments. Mais, faute d’être capable d’« unifier » son être, le maidhûbmajdhûb « perd pied »
[...]
ne puisse pas être parfois justifiée, même danschez de simples mystiques ; mais cette justification n’est possible qu’à la condition de se placer à un point de vue tout autre que celui du quiétisme. Nous pensons ici notamment à certains cas qui se rencontrent assez fréquemment chezdans les formes orientales du Christianisme
[...]
tout comme les faux infirmes ou autres simulateurs de ce genre, font preuve d’une certaine habilitéhabileté spéciale dans l’exercice de leur métier
[...]
(rapports dont la nature et leles motifs échappent nécessairement à l’appréciation des hommes ordinaires)
[...]
mais ce dernier trait se rapporte encore à un autre côté de la question, dont nous réserverons l’examen pour un prochain article.
Folie apparente et sagesse cachée

Nous faisions remarquer tout à l’heure, en terminant notre précédent article, que les « Immortels » du Taoïsme
[...]
on peut y avoirvoir assurément, tout d’abord, un moyen de passer inaperçu parmi les profanes
[...]
note 1 : des considérations que nous exposons dans l’articleavons exposées à la fin de notre étude sur Les deux nuits, dans le n° de mai 1939.
[...]
note 4 : Voir Réalisation ascendante et descendante, dans les
nos de janvier, février et mars.
[...]
note 5 : ici, on doit évidemment lale considérer au-delà du domaine quantitatif.
[...]
mais aussi de garder intact et à l’abri de toute atteinte ce par quoi il est intérieurement supérieur aux autres hommes, et qui constitue d’ailleurs la seule supériorité véritable.
[...]
note 11 : Il est bien entendu que nous ne faisionsfaisons nullement allusion ici aux origines prétendues de la transformation « spéculative » de la Maçonnerie
Le masque « populaire »

En effet, si les motsle mot « vulgaire », pris dans son acception originelle comme nous l’avons fait
[...]
toute la différence que M. A. K. Coomaraswamy a fort bien marquémarquée entre l’art « populaire » et l’art « bourgeois »
[...]
note 3 : appelle aussi ahlul-maldmahmalâmah, littéralement les « gens du blâme »
[...]
mais du moins l’indistinction relative de ce qui remplit la fonction de maetriamateria à un certain niveau
[...]
note 6 : Voir La coutume contre la tradition, dans le n° d’octobre-novembre 1945.
[...]
note 9 : Voir Les deux nuits, dans les
nos d’avril et mai 1939.
La jonction des extrêmes

en tant que celle-ci s’identifie à la kylèhylê primordiale ou à la materia prima des anciennes doctrines cosmologiques occidentales
[...]
note 2 : Et Verbum caro factum est, dit aussi l’Évangile (caro et non pas nxxxmens)

Les deux nuits

cette considération du cycle est ici d’autant plus naturelle que ce dont il s’agit àa sa correspondance « macrocosmique »
[...]
désignée comme une « petite voie » ou, si l’on veut, une a« moindre voie » (hînayâna), ce qui implique qu’elle n’est pas exempte d’un certain caractère restrictif, tandis que c’est celle qui conduit au second qui est considérée comme étant véritablement la « grande voie » (mahâyâna), dontdonc celle qui est complète et parfaite sous tous les rapports

[...]
et, en généralisant ceci, nous pouvons y voir aussi, comme nous le disions plus haut, la raison principale de la réserve qui est gardée habituellement sur cette question
Réalisation ascendante et descendante

on pourrait donc parler en ce sens, non pas d’une « angoisse métaphysique », mais au contraire d’une « angoisse antimétaphysique », jouant en quelque sorte le rôle d’un véritable « gardien du seuil », suivant l’expression des hermétistes,
La maladie de l'angoisse 



« Comme ce paragraphe pourrait donner lieu à certaines méprises, il nous paraît nécessaire d’en préciser un peu le sens ; et, tout d’abord, il doit être bien entendu qu’il ne s’agit aucunement ici de quelque chose qui puisse être assimilé à une voie “mystique”, ce qui serait manifestement contradictoire avec l’affirmation de l’existence d’une “chaîne initiatique” réelle dans ce cas aussi bien que dans celui qu’on peut considérer comme normal”. Nous pouvons citer, à cet égard, un passage de Jelâleddin Er-RûmiRûmî qui se rapporte exactement à la même chose : “Si quelqu’un, par une rare exception, a parcouru cette voie (initiatique) seul (c’est-à-dire sans un Pîr, terme persan équivalent à l’arabe Sheikh) il est arrivé par l’aide des cœurs des Pîrs. La main du Pîr n’est pas refusée à l’absent : cette main n’est pas autre chose que l’étreinte même de Dieu” (MathnawiMathnawî, I, 2974-5). [...]
Note explicative ajoutée à un passage des Pages dédiées à Mercure d'Abdul Hâdi, citée dans l'annexe de Clavelle.

mardi 12 juin 2012

René Guénon - Recueil posthume papier - Etudes sur l'Hindouisme (errata)

Désormais regroupé dans de nouveaux recueils posthumes.


Errata (non exhaustif)

Les morceaux qui manquaient sont surlignés en vert, ceux qui étaient en trop en rouge.


Maintenant, il sera facile de comprendre que Bhagavat, étant identifié au Principe suprême, n’est autre, par là- même
[...]
Il n’y a rien d’étonnant à ce que cette épithète soit donnée notamment à KhrishnaKrishna
[...]
celle qui est faite à chaque être considéré en particulier ;: à cet égard, Krishna et Arjuna
[...]
L’enseignement donné par Krishna à Arjuna, c’est, à ce point de vue intérieur

Âtmâ-Gîtâ


on pourrait dire, dans le langage de la tradition islamique, qu’on a ici la correspondance dans l’être humain de la Kaabah, à l’intérieur de laquelle est la « pierre noire », équivalente au linga hindou, et aussi à l’omphalos qui est, comme nous l’avons exposé ailleurs, un des symboles du « centre du monde ».
[...]
On comprend aussi que les corps, étant proprement définis par l’ensemble des conditions dont il s’agit, soient par là- même constitués

Kundalinî-Yoga


à supposer que toutes choses ont dû débuter de la façon la plus rudimentaire et la plus grossière, puis subir à partir de là une élaboration progressive
[...]
puisqu’il ne saurait en tout cas s’agir d’autre chose que d’une « explicationexplicitation » de ce que la doctrine impliquait déjà de tout temps
[...]
Il importe d’ailleurs de considérer qu’en réalité le Vêda est un, principiellement et en quelque sorte « intemporellement », avant d’être devenu triple, puis quadruple dans sa formationformulation
[...]
une relation comme celle du vin au soma, quant à leur usage rituel, pourrait servir ici d’exemple symbolique
Le Cinquième Vêda


et qui permet de passer de leur sens littéral, c’est-à-dire de l’acception commecommune des mots « nom » et « forme »
Nâma-Rûpa


« Mâyâ est le “pouvoir” maternel (Shakti) par lequel agit l’Entendement divin » ; plus précisément encore, elle est Kriyâ-Shakti, c’est-à-dire l’« Activité divine » (en tant que celle-ci est distinguée de la « Volonté divine », qui est Ichchhâ-Shakti).
[...]
Nous pouvons faire une autre remarque, se rattachant directement à ce qui vient d’être dit de l’« art » divin, en ce qui concerne la signification du « voile de Mâyâ » : celui-ci est avant tout le « tissu » dont est faite la manifestation universelle ; nous retrouvons donc là le symbolisme traditionnel du tissage dont nous avons parlé ailleurs[1], et, bien qu’on semble généralement ne pas s’en rendre compte, cette signification est indiquée très clairement dans certaines représentations, où sur ce voile sont figurés des êtres divers appartenant au monde manifesté.
---
[1] Le Symbolisme de la Croix, ch. XIV.
Mâyâ


Comptes rendus de livres :
Décembre 1937
Jean Marquès-Rivière – L’Inde secrète et sa magie
souhaitons pourtant que celle-ci soit d’une meilleure qualité, et qu’il n’y subissesubsiste rien des arrière-pensées « missionnaires » qui perçaient en certains passages du Bouddhisme au Thibet…

Janvier-février 1946
F. J. Alexander. – Le Royaume Intérieur.
préface dedu Swâmî Siddheswarânanda
il est beaucoup question aussi d’« idéal » et de « formation dedu caractère »,


Août 1946
Ananda K. Coomaraswamy. – Spiritual Authority and Temporal Power in the Indian Theory of Government.
il appartient au souverain de donner aux choses leurs « dénominations correctes ») ; aussi le Roi ne peut-il jamais parler à sa fantaisie ou selon ses désirs


Comptes rendus de revues:
Novembre 1936
une étude sur deux passages du Paradis de Dante (XXVII, 136-138, et XXVIII, 110-111) 

Novembre 1937
La revue Action et Pensée, de Genève (n° de septembre) inaugure une partie consacrée à la « philosophie hindoue moderne », sous la direction de M. Jean Herbert ; ce dont il s’agit, dans la mesure où il est « philosophie », et aussi dans la mesure où il est « moderne », ne peut plus être vraiment « hindou », et représente simplement le produit d’une influence occidentale
[...]
à laquelle la revue est plus spécialement consacrée, y compris la « psychanalyse », et à identifier avec l’« inconscient » ce qui est en réalité dule « superconscient » ?

[...]
sans même qu’il soit besoin de sortir du monde occidental, le plus illettré des Compagnons en sait assurément beaucoup plus long que lui !

Juin 1939
mais, par contre, très proche de celles des Orientaux, si bien qu’ici on ne peut envisager de véritables équivalences.

Décembre 1945
malgré la façon élogieuse dont il y est parlé de nous
[...]
assez peu flatté de voir notre nom rapproché de certains autres représentantsreprésentant des « attitudes » diverses
[...]
Nous préférons de beaucoup, dans le domaine particulier où elle se tient, l’étude de M. René Daumal intitulée Pour approcher l’art poétique hindou, qui expose brièvement, mais clairement, les principes généraux de cet art. La science d’aujourd’hui et la pensée traditionnelle de l’Inde, par M. L. Barbillion, appelle toutes les réserves que nous avons souvent formulées à l’égard de ce genre de rapprochements avec la science profane des modernes, et il faut d’ailleurs constater que, en réalité, il y est assez peu question de la pensée hindoue ; Le message mathématique de l’Inde, par M. F. Le Lionnais, est vraiment bien sommaire et bien faible, et il y aurait eu assurément bien d’autres choses à dire àsur ce sujet.


Janvier-février 1946
l’étendard fixe, dressé habituellement auprès d’un Templetemple et assez haut
[...]
un article de M. Carl Hentze sur Le culte de l’Oursours et du Tigretigre et le T’ao-tié
[...]
Buddha and Thethe Sun God, par M. Benjamin Rowland
[...]
c’est l’édifice dans l’un des angles duquel elle est enchâssée qui est appelé Kaabah

[...]
vouloir y voir surtout un « dieu de la végétation », conformément aux conceptions « naturistesnaturalistes » mises à la mode par Frazer. Dans le second article, M. Jean Coman examine la question de savoir s’il s’agit vraiment d’un dieu ou d’un « prophète », et il incline à conclure que Zalmoxis aurait été d’abord un homme et qu’il n’aurait été « divinisé » que par la suite, ce qui nous paraît être en quelque sorte un renversement de la réalité : en fait, il n’y a rien d’étonnant à ce que le « prophète », ou plus exactement le chef suprême qui était à la fois « roi et grand-prêtre », avant la séparation des deux pouvoirs, ait reçu le nom du principe (désigné, suivant l’étymologie la plus vraisemblable, comme le « Seigneur des hommes », ce qu’on pourrait rapprocher, en tempstant que nom divin, de l’expression identique qui se trouve dans la dernière sûrahsûrat du Qorân)

Octobre-novembre 1946
Il ne faut pas oublier que ce qui distingue essentiellement l’Orient de l’Occident moderne, c’est que « l’Orient conserve encore consciemment les bases métaphysiques de la vie, tandis que l’Occident moderne est à peu près complètement ignorant de la métaphysique traditionnelle (qu’il confond avec la « philosophie » comme le fait Radhakrishnan lui-même), et est en même temps activement et consciemment antitraditionnel ».

Janvier-février 1949
l’instinct des insectes, des castors » (combien tout cela est « intellectuel » en effet !)

Juin 1949
une allusion à une tentative poursuivie actuellement pour « créer une mystique chrétienne de structure « hindouiste » donne en effet à penser que certains n’ont pas renoncé aux visées « annexionnistes » que nous avons dénoncées autrefois



Correction fausse du compilateur sur le Bouddhisme

Dans Tantrisme et Magie, le compilateur avait altéré le texte et s'en justifiait ainsi :
[Ce passage est mis en accord avec les modifications que René Guénon avait apportées lui-même sur la question du Bouddhisme dans la 4ème édition de l'Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues (1952).]

Voici la note de Guénon expliquant cette modification :
À l’intention des lecteurs qui auraient eu connaissance de la première édition de ce livre, nous estimons opportun d’indiquer brièvement les raisons qui nous ont amené à modifier le présent chapitre : lorsqu’a paru cette première édition, nous n’avions aucun motif de mettre en doute que, comme on le prétend habituellement, les formes les plus restreintes et les plus nettement antimétaphysiques du Hînayâna représentaient l’enseignement même de Shâkya-Muni ; nous n’avions pas le temps d’entreprendre les longues recherches qui auraient été nécessaires pour approfondir davantage cette question, et d’ailleurs, ce que nous connaissions alors du Bouddhisme n’était nullement de nature à nous y engager. Mais, depuis lors, les choses ont pris un tout autre aspect par suite des travaux d’A. K. Coomaraswamy (qui lui-même n’était pas bouddhiste, mais hindou, ce qui garantit suffisamment son impartialité) et de sa réinterprétation du Bouddhisme originel, dont il est si difficile de dégager le véritable sens de toutes les hérésies qui sont venues s’y greffer ultérieurement et que nous avions naturellement eues surtout en vue lors de notre première rédaction ; il va de soi que, en ce qui concerne ces formes déviées, ce que nous avions écrit d’abord reste entièrement valable. Ajoutons à cette occasion que nous sommes toujours disposé à reconnaître la valeur traditionnelle de toute doctrine, où qu’elle se trouve, dès que nous en avons des preuves suffisantes ; mais malheureusement, si les nouvelles informations que nous avons eues ont été entièrement à l’avantage de la doctrine de Shâkya-Muni (ce qui ne veut pas dire de toutes les écoles bouddhiques indistinctement), il en est tout autrement pour toutes les autres choses dont nous avons dénoncé le caractère antitraditionnel.
Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, partie 3, ch. IV - A propos du Bouddhisme


Mais le passage qui va suivre n'est pas en désaccord avec ladite modification, l'altération est non seulement inutile mais fautive, décrivant le Mahâyâna comme s'étant éloigné du Bouddhisme originel, alors que c'est de ce qui est aujourd'hui appelé communément Bouddhisme (à raison ou à tort), qu'il l'est. La modification sur le Bouddhisme portait uniquement sur l'orthodoxie du Bouddhisme originel (orthodoxe tout comme le Mahâyâna), question sur laquelle, dans l'extrait suivant, René Guénon ne se prononçait pas (en rouge, altération du compilateur, en vert, rétablissement du texte de Guénon) :
À ces quelques observations, nous ajouterons encore une autre d’un caractère un peu différent : on sait quelle est l’importance des éléments tantriques qui ont pénétré certaines formes du Bouddhisme, celles qui sont comprises dans la désignation générale de Mahâyâna ; mais, bien loin de n’être qu’un Bouddhisme « corrompu », ainsi qu’il est de mode de le dire en Occident, ces formes représentent au contraire le résultat d’une adaptation tout à fait traditionnelle du Bouddhisme. Qu’on ne puisse plus guère, dans certains cas, retrouver facilement les caractères propres au Bouddhisme originel, cela importe peu ; ou plutôt, cela même ne fait que témoigner de l’étendue de la transformation qui a été ainsi opéréed’un véritable « redressement » du Bouddhisme dans un sens traditionnel et orthodoxe. Qu’on ne puisse plus guère, dans certains cas, parler là de Bouddhisme que d’une façon en quelque sorte « nominale », cela importe peu ; ou plutôt, si l’on envisage le Bouddhisme proprement dit comme doctrine spécifiquement hétérodoxe, cela même ne fait que témoigner de toute l’étendue du « redressement » qui a été ainsi opéré.
Tantrisme et Magie


Le passage suivant, tiré des comptes rendus de revues du Voile d'Isis de novembre 1929, soit bien avant la modification en question (consécutive aux travaux de Coomaraswamy exposés dans Hindouism and Buddism, dont Guénon a rendu compte en août 1946), atteste du fait que cette modification doit bien porter sur le Bouddhisme originel, mais aucunement sur les formes actuelles, point sur lequel Guénon n'a jamais varié :
Dans Ultra (nos de mai-juin et juillet-août), nous relevons un article sur le Bouddhisme Mahâyâna, dans lequel nous avons vu, non sans quelque étonnement, celui-ci présenté comme le produit d’une pensée « laïque » et « populaire » ; quand on sait qu’il s’agit au contraire d’une reprise, si l’on peut dire, et d’une transformation du Bouddhisme par l’influence de l’esprit traditionnel, lui infusant les éléments d’ordre profond qui manquaient totalement au Bouddhisme originel, on ne peut que sourire de pareilles assertions et les enregistrer comme une nouvelle preuve de l’incompréhension occidentale.

De même dans la première édition du Roi du Monde, datant de 1927, donc également bien antérieur à cette modification, où, à un passage où le Bouddhisme était déclaré hétérodoxe, il était précisé en note (ch. II : p. 17, note 1) :
Nous parlons ici du Bouddhisme proprement dit, et non des transformations qu'il a subies, hors de l'Inde, sous l'action de certaines influences procédant de doctrines traditionnelles orthodoxes, et qui permirent de rétablir, dans plus d'un cas, les liens qui avaient été rompus par la révolte de Shâkya-Muni.



Enfin, même avant la correction sur les origines du Bouddhisme, Guénon remarquait :
ces considérations sont de nature à modifier singulièrement l’idée « rationaliste » que les Occidentaux se font du « Bouddhisme primitif », qui peut-être était au contraire moins complètement hétérodoxe que certains de ses dérivés ultérieurs ; s’il y a eu « dégénérescence » quelque part, ne serait-ce pas précisément dans le sens inverse de celui que supposent les préjugés des orientalistes et leur naturelle sympathie de « modernes » pour tout ce qui s’affirme comme antitraditionnel ?
Études Traditionnelles, juillet 1936, comptes rendus de livres, Ananda K. Coomaraswamy. – Elements of Buddhist Iconography.

Ce dernier compte rendu date d'un mois avant l'article Tantrisme et Magie, qui est paru en août-septembre 1936, raison de plus pour ne pas altérer cet article.

dimanche 3 juin 2012

Tentative de récupération politique de l'oeuvre de René Guénon par Alain Soral



Pas de discutailleries, pas d'étalage d'une pseudo culture pour épater les sots, juste des citations référencées, permettant de mesurer, pour qui sait lire, la fiabilité des affirmations d'Alain Soral lorsqu'il tente de récupérer René Guénon pour servir des manœuvres politiciennes.


Alain Soral :
11:10 De tous temps, les nationalistes français ont été pro-musulmans. C’est Guénon, c’est Massignon, c’est Corbin […]
13:00 Les nationalistes historiques ont toujours été des sympathisants de l’Islam, comme Evola, parce que ce sont des gens qui sont dans la pensée traditionaliste et dans la pensée néo-traditionnelle.
Conférence d'Alain Soral et Albert Ali, 1ère vidéo

23:45 Historiquement et traditionnellement, les islamophiles français […] sont tous des nationalistes néo-traditionalistes. […] En réalité, la droite française classique, ce qui correspond à l’extrême droite d’aujourd’hui, est pro musulmane […] on le sait par Guénon, par Evola, par Massignon, par Corbin, hein ? C’est une tradition. […] La tradition française de l’islamophilie est du côté de l’extrême droite, Guénon, Massignon, Corbin, Evola. […] Il y a une vraie tradition sur la droite des valeurs, entre une certaine droite nationaliste traditionnaliste et une sympathie pour la religion musulmane.
Entretien de mai 2012, vidéo 2
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Alain-Soral-entretien-de-mai-2012-12135.html






Sur la politique et le traditionalisme

René Guénon :
Nous rappellerons encore une fois que tout ce qui touche de près ou de loin à la politique nous est absolument étranger ; et nous désavouons par avance toute conséquence de cet ordre que quiconque prétendrait tirer de nos écrits, dans quelque sens que ce soit.
Études Traditionnelles, mars 1935, comptes rendus de revues, P.-S.

Dès lors que tout ce qui est d’ordre purement humain ne saurait, pour cette raison même, être légitimement qualifié de traditionnel, il ne peut y avoir, par exemple, de « tradition philosophique », ni de « tradition scientifique » au sens moderne et profane de ce mot ; et, bien entendu, il ne peut y avoir non plus de « tradition politique », là du moins où toute organisation sociale traditionnelle fait défaut, ce qui est le cas du monde occidental actuel. Ce sont pourtant là quelques-unes des expressions qui sont employées couramment aujourd’hui, et qui constituent autant de dénaturations de l’idée de la tradition ; et il va de soi que, si les esprits « traditionalistes » dont nous parlions précédemment peuvent être amenés à laisser détourner leur activité vers l’un ou l’autre de ces domaines et à y limiter tous leurs efforts, leurs aspirations se trouveront ainsi « neutralisées » et rendues parfaitement inoffensives, si même elles ne sont parfois utilisées, à leur insu, dans un sens tout opposé à leurs intentions. Il arrive en effet qu’on va jusqu’à appliquer le nom de « tradition » à des choses qui, par leur nature même, sont aussi nettement antitraditionnelles que possible : c’est ainsi qu’on parle de « tradition humaniste », ou encore de « tradition nationale », alors que l’« humanisme » n’est pas autre chose que la négation même du supra-humain, et que la constitution des « nationalités » a été le moyen employé pour détruire l’organisation sociale traditionnelle du moyen âge. Il n’y aurait pas lieu de s’étonner, dans ces conditions, si l’on en venait quelque jour à parler tout aussi bien de « tradition protestante », voire même de « tradition laïque » ou de « tradition révolutionnaire », ou encore si les matérialistes eux-mêmes finissaient par se proclamer les défenseurs d’une « tradition », ne serait-ce qu’en qualité de représentants de quelque chose qui appartient déjà en grande partie au passé ! Au degré de confusion mentale où est parvenue la grande majorité de nos contemporains, les associations de mots les plus manifestement contradictoires n’ont plus rien qui puisse les faire reculer, ni même leur donner simplement à réfléchir.
Le règne de la quantité et les signes des temps, chap. XXXI – Tradition et traditionalisme.



Sur Evola

Correspondance de René Guénon avec Guido de Giorgio :
Evola ne manque pas de prétentions, comme vous le voyez ; mais, pour ma part, je persiste à penser qu’il ne comprend pas du tout ce que nous entendons par « intellectualité », « connaissance », « contemplation », etc., et qu’il ne sait même pas faire la distinction entre le point de vue « initiatique » et le point de vue « profane ».
 26 janvier 1926.

Si vous pouvez avoir quelque influence sur Evola, ce sera très heureux ; je le crois intelligent, mais remplis de préjugés de toutes sortes ; je pense d’ailleurs qu’il ambitionne une situation dans l’Université, et cela aussi peut le gêner à bien des points de vue.
 15 aout 1927.

Les livres tantriques se rattachent en effet directement à la grande tradition hindoue, qui est essentiellement une depuis l’origine, quoi qu’en puisse dire Evola. Ce que vous dites de la façon dont celui-ci, à la suite des orientalistes, envisage ces choses, est tout à fait exact, de même que pour la préoccupation « morale » qui, au fond, est en effet prépondérante chez lui, sans quoi il ne mettrait pas ainsi l’action au-dessus de tout.
12 janvier 1929

je m’étonne un peu de toute cette polémique, à laquelle bien entendu, j’entends ne me mêler en aucune façon, malgré les allusions aux emprunts qu’Evola m’a faits comme à bien d’autres. Les critiques portant sur ses « plagiats » sont assurément justifiées, puisqu’il reproduit textuellement des passages entiers sans en indiquer la provenance et comme s’ils étaient de lui ; mais je pense qu’il y a chez lui, à cet égard, une véritable inconscience.
 4 mars 1929.

Je ne suis pas surpris de ce qu’il vous a dit au sujet de mes articles de « Regnabit », ce qui ne l’a d’ailleurs pas empêché de les citer dernièrement; il n’a pas dû y comprendre grand’chose. Il se peut en effet qu’il y ait de la mauvaise foi chez lui, mais il y a sûrement aussi de l’inconscience.
6 septembre 1929.

Je me demande s’il sera jamais possible d’arriver à faire quoi que ce soit de bon avec Evola.
7 mars 1930.

J’ignorais tout à fait cet article d’Evola dont vous me parlez, mais je ne peux pas dire que cela me surprenne beaucoup après ce qu’il avait déjà écrit sur la montagne ; sûrement, il y a dans tout ce mélange quelque chose qui est pour le moins anormal, mais est-il bien sûr que ce soit réellement conscient ?
22 mars 1936.

Cette histoire sur la façon dont il fait ses articles donne encore une impression bien peu sérieuse ; oui, quel mélange extraordinaire il y a dans tout cela !
6 mai 1936.

Je […] n’aime pas beaucoup non plus ce rapprochement, pour bien des raisons ; mais comment faire ? Du reste, on ne peut pas empêcher que lui et d’autres me citent, et d’une façon qui ne répond certainement pas toujours à mes intentions…
27 juin 1936.




Sur Massignon

J’ai fait dernièrement la connaissance de Massignon ; il parle beaucoup, et il y a chez lui une certaine affectation, qui d’ailleurs se sent aussi dans son style. Il est vrai que ses ouvrages sont assez difficiles à lire, et d’autre part, s’il a assurément compris certaines choses, il n’a pourtant pas pénétré le fond de l’ésotérisme musulman.
Correspondance à Guido de Giorgio, 20 novembre 1925.

Je pense que l’article de la « Revue Carmélitaine » dont vous parlez doit se rattacher encore à cette entreprise qui tend à tout ramener au « mysticisme » ; le groupe Maritain-Massignon paraît avoir là-dedans une influence prédominante.
Correspondance à Louis Caudron, 5 décembre 1935.

Pour la question d’El-Hallâj, jamais Schuon n’y a fait la moindre allusion en m’écrivant ; comme vous pouvez vous en douter, l’interprétation de Massignon est tout à fait sujette à caution, puisqu’il y a toujours chez lui l’arrière-pensée de ne voir partout que du « mysticisme » et des influences chrétiennes. Cependant, je dois dire aussi que, toute interprétation à part, je préfèrerais une autre forme à celle d’El-Hallâj, qui se prête plus facilement à ce genre de déformation ; c’est d’ailleurs l’imprudence ou la maladresse de ses expressions qui a été la cause de sa mort…
Correspondance à Louis Caudron, 26 juin 1937.

Les histoires dont vous me parlez ne me surprennent aucunement, car, comme vous pouvez le penser, il m’est déjà revenu souvent, et de bien des côtés différents, des échos de celles-là et de beaucoup d’autres, qui sont même quelquefois plus ou moins contradictoires entre elles… Il est d’ailleurs évident que, sans être musulman, je n’aurais jamais pu vivre ici un seul instant ; je ne m’y vois pas du tout « faisant l’étranger », ce qui, du reste, serait en opposition avec toute règle initiatique ! Mais il va de soi que, pour moi, cela a un tout autre sens que tout ce que peuvent supposer ou imaginer ces imbéciles haineux du genre Massignon et Cie (car c’est surtout de là que cela sort), qui éprouvent le besoin de se mêler de ce qui ne les regarde pas et de ce qu’ils sont incapables de comprendre. On pourrait, à ce propos, les renvoyer à l’article de Coomaraswamy sur Râmakrishna qui a paru dans les « Études Traditionnelles », mais, même alors, ils ne comprendraient sans doute pas davantage… Quoi qu’il en soit, il n’y a là rien de nouveau en ce qui me concerne, loin de là, puisque mon rattachement aux organisations initiatiques islamiques remonte exactement à 1910 ; en comparant cette date à celle de mes livres, vous pourrez vous rendre compte que cela n’empêche absolument rien d’un autre côté ! Et puis, il y a aussi mes articles actuels ; je ne pense pas qu’ils puissent donner l’impression que je « lâche » quoi que ce soit ; mais ces gens prennent évidemment leur désir pour la réalité, car, au fond, ce qu’ils voudraient surtout, c’est que je cesse d’écrire… Il faut dire aussi qu’il y a de grands avantages, à tous les points de vue, à « s’installer » en quelque sorte dans une civilisation traditionnelle (le Christianisme seul, dans son état actuel, n’en donne plus la possibilité), du moins pour qui ne peut pas se contenter d’être un simple « théoricien ». Bien entendu, il est parfaitement inutile d’instruire de tout cela les gens en question, à qui je ne reconnais aucun droit de s’occuper de moi ; que je sois ou ne sois pas ceci ou cela, qu’est-ce que cela peut bien leur faire ? Il est d’ailleurs fort heureux pour ma tranquillité qu’il y ait ici, entre nous et le monde européen, une barrière à peu près infranchissable ; le sieur Massignon, malgré des ruses incroyables, n’a jamais pu réussir à me rencontrer ; un certain Juif, qui avait été chargé de se procurer une photographie de moi à n’importe quel prix, n’y a pas réussi davantage ; ce dernier trait suffira d’ailleurs à vous montrer quel est le véritable caractère de la méprisable besogne à laquelle se livre tout ce joli monde, que vous avez certes bien raison de vouloir ignorer !
Correspondance à Tony Grangier, 28 juin 1938.

Je vous avais moi-même parlé de la revue « Dieu Vivant » il y a un certain temps, à propos de l’histoire de Judith et d’Holopherne, j’en ai eu jusqu’ici 4 numéros, et j’ai bien l’intention d’en parler en effet, car il y a là dedans des choses qui sont loin d’être sans intérêt. Seulement, au point de vue oriental, il convient de se méfier grandement de certaines tendances ; la présence de Massignon dans le comité de direction est très significative à cet égard.
Correspondance à Coomaraswamy, 27 mai 1946.

[…] nous avons vu un orientaliste qualifier de « langue liturgique » l’arabe, qui est en réalité une langue sacrée, avec l’intention dissimulée, mais pourtant assez claire pour qui sait comprendre, de déprécier la tradition islamique ; et ceci n’est pas sans rapport avec le fait que ce même orientaliste a mené dans les pays de langue arabe, d’ailleurs sans succès, une véritable campagne pour l’adoption de l’écriture en caractères latins.
Études Traditionnelles, avril-mai 1947, À propos des langues sacrées, note 2.



Sur Corbin

[…] les orientalistes ont-ils jamais pu comprendre la différence profonde qui sépare le taçawwuf de toute philosophie ? Enfin, bien que ceci n’ait en somme qu’une importance secondaire, nous nous demandons pourquoi M. Corbin a éprouvé parfois le besoin d’imiter, à tel point qu’on pourrait s’y méprendre, le style compliqué et passablement obscur de M. Massignon.
Études Traditionnelles, mars 1947, comptes rendus de livres, Henry Corbin, Suhrawardi d’Alep, fondateur de la doctrine illuminative.



Sur le nationalisme
 
René Guénon:
J’aimerais aussi que l’on n’insiste pas à me qualifier de « Français », car je suis entièrement indépendant de toute influence « locale » et, à part la langue, il me paraît évident qu’il n’y a rien de spécifiquement français dans ce que j’écris.
Correspondance à Alain Daniélou, 27 août 1947.

[…] tout « nationalisme » est nécessairement opposé à l’esprit traditionnel […]
La crise du monde moderne, Chapitre VIII - L’envahissement occidental.

[…] le « nationalisme » (encore une de ces suggestions destinées à la destruction systématique de tout esprit traditionnel) […]
Études Traditionnelles, octobre 1933, comptes rendus de livres, Pierre de Dienval – La Clé des Songes.

Dans la Revue Internationale des Sociétés Secrètes (no de janvier, « partie occultiste »), le premier article est intitulé : Pour la « Défense de l’Occident » : on se plaint amèrement que le « beau livre » (!) de M. Henri Massis n’ait pas rencontré dans tous les milieux catholiques une admiration sans mélange. Il est vraiment difficile de garder son sérieux en voyant affirmer que « l’Occident est, en fait, profondément chrétien », alors qu’aujourd’hui, il est exactement le contraire, et que « ce n’est pas en Occident que la xénophobie anime les foules » ; où donc le « nationalisme » a-t-il été inventé ?
Études Traditionnelles, mars 1933, comptes rendus de revues.

La « centralisation » temporelle est d’ailleurs généralement la marque d’une opposition vis-à-vis de l’autorité spirituelle, dont les gouvernements s’efforcent de neutraliser ainsi l’influence pour y substituer la leur ; c’est pourquoi la forme féodale, qui est celle où les Kshatriyas peuvent exercer le plus complètement leurs fonctions normales, est en même temps celle qui parait convenir le mieux à l’organisation régulière des civilisations traditionnelles, comme l’était celle du moyen âge. L’époque moderne, qui est celle de la rupture avec la tradition, pourrait, sous le rapport politique, être caractérisée par la substitution du système national au système féodal ; et c’est au XIVe siècle que les « nationalités » commencèrent à se constituer, par ce travail de « centralisation » dont nous venons de parler. On a raison de dire que la formation de la « nation française », en particulier, fut l’œuvre des rois ; mais ceux-ci, par la même, préparaient sans le savoir leur propre ruine (1) ; et, si la France fut le premier pays d’Europe où la royauté fut abolie, c’est parce que c’est en France que la « nationalisation » avait eu son point de départ. D’ailleurs, il est à peine besoin de rappeler combien la Révolution fut farouchement « nationaliste » et « centralisatrice », et aussi quel usage proprement révolutionnaire fut fait, durant tout le cours du XIXe siècle, du soi-disant « principe des nationalités » (2) ; il y a donc une assez singulière contradiction dans le « nationalisme » qu’affichent aujourd’hui certains adversaires déclarés de la Révolution et de son œuvre. Mais le point le plus intéressant pour nous présentement est celui-ci : la formation des « nationalités » est essentiellement un des épisodes de la lutte du temporel contre le spirituel ; et, si l’on veut aller au fond des choses, on peut dire que c’est précisément pour cela qu’elle fut fatale à la royauté, qui, alors même qu’elle semblait réaliser toutes ses ambitions, ne faisait que courir à sa perte (3).

Il est une sorte d’unification politique, donc tout extérieure, qui implique la méconnaissance, sinon la négation, des principes spirituels qui seuls peuvent faire l’unité véritable et profonde d’une civilisation, et les « nationalités » en sont un exemple. Au moyen âge, il y avait, pour tout l’Occident, une unité réelle, fondée sur des bases d’ordre proprement traditionnel, qui était celle de la « Chrétienté » ; lorsque furent formées ces unités secondaires, d’ordre purement politique, c’est-à-dire temporel et non plus spirituel, que sont les nations, cette grande unité de l’Occident fut irrémédiablement brisée, et l’existence effective de la « Chrétienté » prit fin. Les nations, qui ne sont que les fragments dispersés de l’ancienne « Chrétienté », les fausses unités substituées à l’unité véritable par la volonté de domination du pouvoir temporel, ne pouvaient vivre, par les conditions mêmes de leur constitution, qu’en s’opposant les unes aux autres, en luttant sans cesse entre elles sur tous les terrains (4) ; l’esprit est unité, la matière est multiplicité et division, et plus on s’éloigne de la spiritualité, plus les antagonismes s’accentuent et s’amplifient. Personne ne pourra contester que les guerres féodales, étroitement localisées, et d’ailleurs soumises à une règlementation restrictive émanant de l’autorité spirituelle, n’étaient rien en comparaison des guerres nationales, qui ont abouti, avec la Révolution et l’Empire, aux « nations armées » (5), et que nous avons vues prendre de nos jours de nouveaux développements fort peu rassurants pour l’avenir.

D’autre part, la constitution des « nationalités » rendit possibles de véritables tentatives d’asservissement du spirituel au temporel, impliquant un renversement complet des rapports hiérarchiques entre les deux pouvoirs ; cet asservissement trouve son expression la plus définie dans l’idée d’une Église « nationale », c’est-à-dire subordonnée à l’État et enfermée dans les limites de celui-ci ; et le terme même de « religion d’État », sous son apparence volontairement équivoque, ne signifie rien d’autre au fond : c’est la religion dont le gouvernement temporel se sert comme d’un moyen pour assurer sa domination ; c’est la religion réduite à n’être plus qu’un simple facteur de l’ordre social (6). Cette idée d’Église « nationale » vit le jour tout d’abord dans les pays protestants, ou, pour mieux dire, c’est peut-être surtout pour la réaliser que le Protestantisme fut suscité, car il semble bien que Luther n’ait guère été, politiquement tout au moins, qu’un instrument des ambitions de certains princes allemands, et il est fort probable que, sans cela, même si sa révolte contre Rome s’était produite, les conséquences en auraient été tout aussi négligeables que celles de beaucoup d’autres dissidences individuelles qui ne furent que des incidents sans lendemain. La Réforme est le symptôme le plus apparent de la rupture de l’unité spirituelle de la « Chrétienté », mais ce n’est pas elle qui commença, suivant l’expression de Joseph de Maistre, à « déchirer la robe sans couture » ; cette rupture était alors un fait accompli depuis longtemps déjà, puisque, comme nous l’avons dit, son début remonte en réalité deux siècles plus tôt ; et l’on pourrait faire une remarque analogue au sujet de la Renaissance, qui, par une coïncidence où il n’y a rien de fortuit, se produisit à peu près en même temps que la Réforme, et seulement alors que les connaissances traditionnelles du moyen âge étaient presque entièrement perdues. Le Protestantisme fut donc plutôt, à cet égard, un aboutissement qu’un point de départ ; mais, s’il fut surtout, en réalité, l’œuvre des princes et des souverains, qui l’utilisèrent tout d’abord à des fins politiques, ses tendances individualistes ne devaient pas tarder à se retourner contre ceux-ci, car elles préparaient directement la voie aux conceptions démocratiques et égalitaires de l’époque actuelle (7).


1 - A la lutte de la royauté contre la noblesse féodale, on peut appliquer strictement cette parole de l’Évangile : « Toute maison divisée contre elle-même périra ».
2 - Il y a lieu de remarquer que ce « principe des nationalités » fut surtout exploité contre la Papauté et contre l’Autriche, qui représentait le dernier reste du Saint-Empire.
3 - Là où la royauté a pu se maintenir en devenant « constitutionnelle », elle n’est plus que l’ombre d’elle-même et n’a guère qu’une existence nominale et « représentative », comme l’exprime la formule connue d’après laquelle « le roi règne, mais ne gouverne pas » ; ce n’est véritablement qu’une caricature de l’ancienne royauté.
4 - C’est pourquoi l’idée d’une « société des nations » ne peut être qu’une utopie sans portée réelle ; la forme nationale répugne essentiellement à la connaissance d’une unité quelconque supérieure à la sienne propre ; d’ailleurs, dans les conceptions qui se font jour actuellement, il ne s’agirait évidemment que d’une unité d’ordre exclusivement temporel, donc d’autant plus inefficace, et qui ne pourrait jamais être qu’une parodie de la véritable unité.
5 - Comme nous l’avons fait remarquer ailleurs (La Crise du Monde moderne, pp. 104-105), en obligeant tous les hommes indistinctement à prendre part aux guerres modernes, on méconnaît entièrement la distinction essentielle des fonctions sociales ; c’est là, du reste, une conséquence logique de l’« égalitarisme ».
6 - Cette conception peut d’ailleurs se réaliser sous d’autres formes que celle d’une Église « nationale » proprement dite ; on en a un exemple des plus frappants dans un régime comme celui du « Concordat » napoléonien, transformant les prêtres en fonctionnaires de l’État, ce qui est une véritable monstruosité.
7 - Il y a lieu de noter que le Protestantisme supprime le clergé, et que s’il prétend maintenir l’autorité de la Bible, il la ruine en fait par le « libre arbitre ».
Autorité spirituelle et pouvoir temporel, chapitre VII – Les usurpations de la royauté et leurs conséquences.



Nationalisme et Islam

René Guénon :
Quoi qu’il en soit, à ne considérer pour le moment que le côté extérieur, c’est sur une tradition que l’on peut qualifier de religieuse que repose toute l’organisation du monde musulman : ce n’est pas, comme dans l’Europe actuelle, la religion qui est un élément de l’ordre social, c’est au contraire l’ordre social tout entier qui s’intègre dans la religion, dont la législation est inséparable, y trouvant son principe et sa raison d’être. C’est là ce que n’ont jamais bien compris, malheureusement pour eux les Européens qui ont eu affaire à des peuples musulmans, et que cette méconnaissance a entraînés dans les erreurs politiques les plus grossières et les plus inextricables ; mais nous ne voulons point nous arrêter ici sur ces considérations, nous ne faisons que les indiquer en passant. Nous ajouterons seulement à ce propos deux remarques qui ont leur intérêt : la première, c’est que la conception du « Khalifat », seule base possible de tout « panislamisme » vraiment sérieux, n’est à aucun degré assimilable à celle d’une forme quelconque de gouvernement national, et qu’elle a d’ailleurs tout ce qu’il faut pour dérouter des Européens, habitués à envisager une séparation absolue, et même une opposition, entre le « pouvoir spirituel » et le « pouvoir temporel » ; la seconde, c’est que, pour prétendre instaurer dans l’Islam des « nationalismes » divers, il faut toute l’ignorante suffisance de quelques « jeunes » Musulmans, qui se qualifient ainsi eux-mêmes pour afficher leur « modernisme », et chez qui l’enseignement des Universités occidentales a complètement oblitéré le sens traditionnel.
Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, Chapitre II - Principe d’unité des civilisations orientales.



Sur une soi-disant sympathie extérieure de René Guénon pour l'Islam

René Guénon :
[...] il est d'ailleurs évident que, sans être musulman, je n'aurais jamais pu vivre ici [au Caire] un seul instant ; je ne m'y vois pas du tout faisant l'étranger ce qui, du reste, serait en opposition avec toute règle initiatique! Mais il va de soi que, pour moi, cela a un tout autre sens que tout ce que peuvent supposer ou imaginer ces imbéciles haineux du genre Massignon et Cie (car c'est surtout de là que cela sort), qui éprouvent le besoin de se mêler de ce qui ne les regarde pas et de ce qu'ils sont incapables de comprendre. On pourrait, à ce propos, les renvoyer à l'article de Coomaraswamy sur Râmakrishna qui a paru dans les « Études Traditionnelles », mais, même alors, ils ne comprendraient sans doute pas davantage... Quoi qu'il en soit, il n'y a rien de nouveau en ce qui me concerne, loin de là, puisque mon rattachement aux organisations initiatiques islamiques remonte exactement à 1910 ; en comparant cette date à celle de mes livres, vous pourrez vous rendre compte que cela n'empêche absolument rien d'un autre côté.
Correspondance avec Tony Grangier, 28 juin 1938. (extrait déjà donné plus haut à propos de Massignon)




Et pour finir, mais c'est à la limite du sujet :

Rousseau et la tradition

Alain Soral :
5:10 Je suis un profond rousseauiste, c’est un très grand penseur, et ça m’a toujours agacé les cons, qui mettaient Rousseau dans la même valise que Descartes ou les penseurs des lumières, c’est-à-dire un penseur de gauche.
6:50 C’est un penseur de la tradition.
8:10 Il est d’une modernité éternelle.
entretien de mai 2012, vidéo 5.
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Alain-Soral-entretien-de-mai-2012-12135.html

René Guénon :
Dans le Mercure de France (no du 15 janvier), M. Marc Citoleux, dans un article sur La Philosophie de la vie et le Bergsonisme, recherche les antécédents de l’« intuition » au sens instinctif où l’entend M. Bergson ; il les trouve « chez une ignorante, Mme Zulma Carraud, chez des impulsifs, Jean-Jacques Rousseau, Michelet », et aussi chez un poète, M. Paul Valery. Ces rapprochements sont assez curieux, mais nous ne voyons pas qu’ils apportent une confirmation au bergsonisme, ni qu’on puisse, comme le pense l’auteur, les considérer comme un « signe de la vérité » ; en fait, ils montrent tout simplement qu’il y a là quelque chose qui répond à l’une des tendances de l’époque moderne, et que ce « courant » n’a pas commencé avec M. Bergson, mais que celui-ci lui a seulement donné une expression plus spécialement « philosophique » qu’on ne l’avait fait avant lui.
Études Traditionnelles, avril 1928, comptes rendus de revues.

Au XVIIIe siècle, il y eut aussi antagonisme entre le rationalisme des encyclopédistes et le sentimentalisme de Rousseau ; et pourtant l’un et l’autre servirent également à la préparation du mouvement révolutionnaire, ce qui montre qu’ils rentraient bien dans l’unité négative de l’esprit antitraditionnel.
Orient et Occident, partie I, chapitre II, la superstition de la science.

Recherche des comptes rendus de livres manquants: résultats

Presque tous les comptes rendus manquants ont été retrouvés, seuls deux manquent encore, et de nombreux dont nous ne connaissions même pas l'existence nous ont été transmis. Un grand merci aux personnes qui ont bien voulu donner de leur aide.

Les comptes rendus restant à trouver:
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2012/04/recherche-des-comptes-rendus-de-livres.html

Le recueil enrichi des nombreux nouveaux comptes rendus, ainsi que d'autres articles encore inédits :
https://oeuvre-de-rene-guenon.blogspot.fr/2012/03/rene-guenon-recueil-posthume-restes-2.html